Sin Nombre
Hier, dans La séance du week-end, je conseillais Sin Nombre, premier film de l'américain d'origine japonaise et suédoise Cary Futunaga, qui se passe au Honduras et au Mexique (il faut de tout) comme un "film sympa", à voir, mais que je ne verrais sans doute pas. Désolé, mais j'avais à peu près tout faux. 1. J'ai vu le film. 2. Ce n'est pas le modèle-type du "film sympa". 3. Je continue à le recommander, mais avec précaution.
On a peine à croire, tant ce film est maîtrisé, qu'il s'agit d'un premier film. Le prix de la mise en scène au Festival de cinéma indépendant de Sundance se justifie pleinement. Mais c'est aussi un film très, très dur. Loin de l'esthétisme agaçant de La cité de Dieu, mais sur un sujet proche, Sin Nombre ("sans nom", sans identité propre) nous oblige à un saut périlleux dans ces contrées de violence pure, abandonnées de Dieu et, on pourrait le dire, des hommes.Une séquence où le chef de la mafia locale oblige un enfant à tuer un "ennemi", dont le corps sera dépecé pour servir de repas aux chiens en dit long sur un film très adulte qu'il faut aborder avec toutes les précautions d'usage.
Au delà, ce film très fort, dont la violence extrême peut déranger le spectateur occidental moyen (je ne le conseille pas aux personnes jeunes ou très sensibles), révèle la casse sociale résultant de la totale déstabilisation politique de pays livrés à la guerre civile et au désordre moral absolu, le tout sous influence US. Et ça fait peur. Moi, ça me fait peur.
On comprend mieux à quel point la démarche de Christian Poveda, enquêtant sur une bande du même type que les Maras du film, pour son documentaire La vida loca (actuellement en salles), était lourde de risque. Il a été assassiné.
Au fait, si la mise en scène a été justement primée à Sundance, il faut saluer la qualité des jeunes comédiens, en particulier Edgar Flores (Casper/Willy) et Paulina Gaitan (Saira), ainsi que le très jeune et déjà convaincant Kristian Ferrer (Smiley), enfant perdu très convaincant.