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Les petits pavés
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31 août 2011

D'Anna Calvi à Valérie Donzelli : la guerre est déclarée

D'une journée à Rock en Seine (le dimanche, sous un ciel clément après les pluies torrentielles de la veille), je retiendrai une foule apaisée (où sont les festivals rock d'antan...), un service d'ordre à l'entrée un peu nerveux (au fait, c'est le genre de manifestation où on vous pique le bouchon de votre bouteille d'eau sans vous dire pourquoi...), une programmation plutôt excitante (The Kills, The Foo Fighters, Austra - une de mes découvertes de l'année, Deftones ou Likke Li, surprenante), une Kilkenny servie en 50 cl dans des verres estampillés Rock et l'envie de revenir dans un an en se demandant bien qui pourra tenir la tête d'affiche à ce moment. La routine, en somme.

Puis vint le moment attendu, qui avait justifié en fait le déplacement de Boulogne : le set du trio d'Anna Calvi. Je n'ai pas pris les photos ci-dessous (j'ai utilisé celles du site de Rock en Seine), trop occupé à jouir des 50 minutes environ de la prestation. Mais la Belle était (au moins) aussi belle que ça.

Anna_CalviRES_5 Anna_CalviRES_6

Sans très grande surprise, le concert a suivi, à peu près, le cheminement de l'album Anna Calvi qui, depuis le début de l'année, accompagne mes rêveries diurnes et nocturnes et les rend plus désirables.

Devant un public de curieux, attiré jusque là par la perspective d'accéder à des groupes plus "lourds" (comme Deftones ou Archive), Calvi, après s'être promptement, et sans chichi, mise en place (elle restera dans le petit coin de la scène qu'elle s'est assignée, sur la gauche, non comme la Star qu'elle n'est pas encore, mais comme le membre actif d'un groupe, rôle qu'elle assume entièrement), elle égrène les volutes d'électricité sèches et abruptes de Rider to the sea, dont les derniers arpèges nerveux annoncent No more words.
L'idée qui vient assez vite, après quelques titres est que tous sonnent aujourd'hui comme des classiques, après seulement quelques mois d'écoute. Ensuite, les minuscules défauts relevés au Trianon (concert vu, non en salle, mais sur Arte) se sont dissous dans une aisance nouvelle 
au service d'une autorité douce qui s'exerce non seulement sur les deux autres musiciens du trio (Stan le batteur et Mally, multi-instrumentiste), mais désormais sur le public.


Desire,
dans une version d'il y a quelques mois,
déjà très belle. 

Cette musicienne formée au violon classique dès l'âge de 6 ans est en train, non de perdre ce contrôle sur elle-même qui pouvait trahir chez elle à ses débuts (si proches...) un caractère hautain, une nature de glace un peu caricaturalement british, mais d'en maîtriser les effets. Hiératique plus qu'hautaine (la hauteur qu'elle semble revendiquer est la signature du sérieux avec lequel elle aborde la musique, d'une sorte de probité foncière dans l'approche de son métier, d'un certain refus du statut de saltimbanque), Anna Calvi redéfinit le rock comme un art de l'intégrité absolue. Son rock est violent, il surfe sur des codes historiquement établis (les basses "à la Duane Eddy"), mais il est profondément intègre, honnête, sincère. Le trio a appris de l'Experience d'Hendrix qu'un petit nombre d'individualités jouant juste et très fort un rock inspiré peut installer le chaos. Le set d'Anna Calvi a des allures de chaos organisé, maîtrisé, voulu, désiré. Ses solis (elle utilise uniquement une Fender Telecaster hors d'âge) ont quelque chose de nécessaire, d'urgent, sa voix est volontiers orgasmique.
A Boulogne, le concert trop court (mais tellement dense !) se termine sur Jezebel. Impressionnant.

L'intégrité dont il est question ici a aidé la jeune artiste à se libérer du fardeau d'un buzz délirant ayant lesté ses premiers pas au grand jour. Starifiée avant même d'enregistrer son premier album solo, elle a su mettre entre l'apparence d'une gloire aussi suspecte que précoce et la réalité de son talent, une armure faite de travail, de volonté et de modestie. Il va être temps de la libérer désormais des glorieux mais pesants oripeaux qui plombent son image de créatrice, de Patti Smith à Polly Jean Harvey, de Jeff Buckley à Edith Piaf. Anna Calvi est Anna Calvi et, mieux, elle va vraiment devenir Anna Calvi, ce qui est tellement mieux que la réincarnation de telle ou tel.

annacalvi604

Très soutenue par Les inrocks (lire ce papier du 2 novembre 2010, puis cette belle interview de février 2011, la jeune anglaise sera du prochain Festival des inrocks (le 7 novembre à l'Olympia).

Le site "officiel" d'Anna calvi, CLIQUER ICI.

Avis,
Ce mercredi 31 août,
La guerre est déclarée

La_guerre_est_ENFIN_d_clar_eENFIN !

Ce n'est pas tous les mardis qu'un film fait la Une et donne matière au Dossier (5 pages) de Libération. Ce fut le cas ce mardi 30 août avec La guerre est déclarée, le nouveau et merveilleux film de et avec Valérie Donzelli (dont ce blog ne sait plus comment faire l'éloge, depuis qu'il s'est mis au service de son talent) avec la participation hyper-active de son (ex ?) compagnon, Jérémie Elkaïm.

J'ai revu ce soir la bande-annonce du film, pour la dixième fois, et ça me fait toujours le même effet : une envie irrépressible de retourner à ce film, comme on retourne à la buvette d'une fête. Et, pourquoi pas, le regard qui se trouble, les yeux qui se mouillent.
Il est tard ce mardi soir et je n'ai plus très envie de faire l'article. En fait, je ne sais plus trop si je me suis entiché du cinéma de Valérie Donzelli par inclination pour elle ou le contraire. Simplement, La guerre est déclarée est le film qu'on n'osait pas attendre après La reine des pommes. On s'attendait, après son premier long entouré de deux courts, à un approfondissement par Valérie Donzelli de son humour mélancolico-vachard, réhaussé par un dialogue et un sens du rythme cinématographique impeccables. On ne s'attendait vraiment pas (même moi, qui dois être son premier et meilleur fan) à ce qu'elle engage le cinéma français dans une dimension qui lui semblait ontologiquement étranger : un cinéma qui se joue des conventions et des frontières, un mélodrame gai, une comédie sur le besoin vitaliste de vivre le drame comme une comédie musicale.
Il y a chez Valérie et son compagnon quelque chose des grands couples de la comédie américaine. Un sens musical adapté au petit milieu confiné de l'hôpital, un sens du rythme qui se joue de la mort la plus obscène, celle - possible - d'un enfant, un désir de rire au nez de la mort pour la faire fuir et, au moins, dézinguer la peur.
Au final, La guerre est déclarée, événement du Festival de Cannes (selon Les inrocks), est une comédie grave qui évoque le beau titre d'un roman de Kundera, L'insoutenable légèreté de l'être, et démontre que longtemps après Lubitsch, le cinéma peut parfois encore montrer une réalité insoutenable avec légèreté.

Film accessible, élégant, généreux, drôlétriste et furieusement politique (ne jamais accepter l'inacceptable, telle semble être la devise du couple Donzelli-Elkaïm), La guerre est déclarée devrait être l'événement de la rentrée cinématographique française. A moins de désespérer du public français, ce que je ne saurais croire.

On peut lire dans les inrocks la sentence suivante :"C’est la deuxième guerre, métaphorique [après la guerre contre la maladie], que mène la cinéaste : contre la grisaille et l’informe, contre la mollesse d’un cinéma du “vrai” qui trouve ses aises de salles de classe en commissariats. "

Valérie Donzelli démarre en octobre (et largement dans les murs de l'Opéra Garnier) un film entièrement dansé, avec cette fois Valérie Lemercier aux côtés du beau Jérémie. Du culot, toujours du culot, il en restera quelque chose. Des films, bien sûr...

Plutôt que la bande-annonce (aussi belle soit-elle), je vous propose un entretien entre Jérémie et Valérie et un journaliste (désolé, je le connais pas...) à Cannes, à propos du film ; ça pourrait s'intituler La guerre est déclarée ou le cinéma en tant que principe de plaisir ; et ça montre aussi, comment ce couple de cinéma tellement agréable fonctionne.

Pour Valérie, comme pour Anna Calvi, il semble que la guerre est déclarée. La guerre de la reconnaissance dans des milieux, celui du cinéma, celui du show biz, durs aux âmes tendres. Et la guerre contre la molesse, la médiocrité ambiante. Bientôt gagnées, pour l'une comme pour l'autre. 

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Commentaires
E
Anna Calvi et Valérie Donzelli sont les deux rasades d'oxygène dont nous avions besoin : la fraîche étincelle qui manquait au rock et la fée virevoltante qui a su disperser en toute discrétion sa poudre magique sur le cinéma. Les réunir dans un même billet est donc une excellente idée qui, après coup (ba oui, il fallait tout de même l'avoir cette idée !), sonne comme l'évidence même.<br /> <br /> Pourtant, tout semble opposer ces deux talentueuses personnes dans leur rapport à la création. Anna Calvi, chignon strict et lèvres écarlates, a tout de l'excellente élève, bosseuse et rigoureuse tandis que Valérie Donzelli a cet éclat singulier dans le regard et ce sourire espiègle caractéristiques des mauvais élèves qui s'ennuient ferme et préfèrent s'évader en gribouillant mille et une aventures sur leur cahier.<br /> <br /> Mais finalement, et c'est ce qui ressort de ton texte dont j'ai sincèrement aimé la justesse tout autant que la fluidité, elles savent aussi bien l'une que l'autre transmettre leur passion et nous embarquer dans un univers à la fois inédit et familier duquel il est impensable de vouloir s'échapper tant on se sent enfin vivant.<br /> On trouve dans "La Guerre est déclarée" la même énergie salvatrice qu'au cours d'un set d'Anna Calvi, la même puissance, la même pulsion de vie.<br /> Les riffs orgasmiques d'Anna, les pirouettes gracieuses de Valérie, n'ont pas fini de nous faire tourner la tête ; sans avoir été déclarée, la guerre est déjà gagnée, et le blackout n'est pas à prévoir.<br /> <br /> Merci à toi pour ton engagement et ta volonté d'amener tes lecteurs vers d'heureuses découvertes. Un billet comme celui d'aujourd'hui donne forcément le sourire et l'envie d'ouvrir grand les yeux et les oreilles.<br /> <br /> Je te souhaite une belle soirée,<br /> <br /> Em.
A
J'ai pensé à toi hier en écoutant Inter dans mes tentative de garage de voiture à Versailles. L'une greluches d'Isabelle Giordano a fait une pub d'enfer pour La Guerre est déclarée. Même elle avait un discours qui donnait envie. Il faut dire qu'Inter soutient à fond ce film, apparemment.<br /> Contente de voir que tu as passé un bon dimanche. Heureusement que de temps en temps le temps est clément, sinon cet été aurait été définitivement déprimant.<br /> Bise
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  • Le cinéma c'est comme la vie, mais c'est la vie 25 fois par seconde. On ne peut pas lutter contre le cinéma. Ça va trop vite, trop loin, même si le film est lent, il court, toi tu ne peux que rester assis et regarder.
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