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Les petits pavés
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8 juin 2008

Sans-papiers : la responsabilité de l'Europe

J'ai peu publié sur le projet de directive européenne relative à l'immigration clandestine que les organisations amies appellent depuis un certain temps la "directive de la honte". Alors je vous propose un petit dossier avec un point de vue publié dans Le Monde par des personnalités dont l'engagement démocratique ne fait aucun doute, une pétition à signer pour rappeler aux parlementaires européens qu'ils ont, en se prononçant sur ce projet de directive, une chance historique de lancer au monde entier un message européen d'ouverture aux autres ou un message de fermeture. Puis, Libé nous explique de quoi, au juste, il s'agit et quel est le contexte.

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Sans-papiers : la responsabilité de l'Europe

Mercredi 18 juin sera soumis à l'approbation du Parlement européen le projet de directive dite "retour" visant à harmoniser les conditions dans lesquelles les migrants irréguliers sur le territoire de l'Union européenne doivent être détenus et "reconduits".

Il apparaît avant toute chose nécessaire de rappeler la réalité que recouvre l'expression pudique de "retour". L'expulsion est une violence qui multiplie les uns par les autres les traumatismes de l'arrestation inopinée, de l'emprisonnement, de la perte de son logement, d'une perte d'emploi, de la spoliation de la totalité de ses biens, parfois de la séparation brutale de son conjoint et de ses enfants, de la dislocation de tout lien avec son milieu et d'une reconduite contrainte, éventuellement assortie de violences.

C'est une humiliation dont on ne se remet pas. Le pays dans lequel on avait placé l'espoir d'une existence nouvelle, qu'on avait parfois bataillé des années pour rejoindre, vous rejette, vous expulse et vous dépose sans bagage sur un Tarmac où personne ne vous attend.

Même quand les expulsés ont des proches au pays, la honte les empêche parfois de les rejoindre : celui qui faisait vivre toute une famille est devenu une charge. Nombre d'expulsés finissent désespérés, désocialisés, à la rue... Il faut que ceux qui votent la loi le sachent.

Le projet de directive européenne soumis aux parlementaires reflète en partie la brutalité du sort réservé aux sans-papiers : jusqu'à dix mois d'internement pour le seul fait d'avoir franchi des frontières et de vouloir vivre en Europe ; rétention et expulsion de mineurs et de personnes vulnérables (femmes enceintes, personnes âgées, victimes de torture...) ; possibilité d'expulser des personnes vers un pays de transit, même en l'absence de lien avec ce pays ; interdiction de retour sur le territoire européen pour une durée de cinq ans de ceux ayant été expulsés ; absence d'obligation de fournir un titre de séjour aux étrangers souffrant de maladies graves ; application aux mineurs isolés de l'ensemble de ces mesures.

UN RÉGIME D'EXCEPTION

Officiellement, le projet de directive "retour" vise à encadrer les conditions de rétention et à en limiter la durée dans ceux des pays européens dont la législation tolère un internement théoriquement indéfini. Nous craignons qu'elle devienne la norme européenne sur laquelle vont être tentés de s'aligner tous les pays de l'Union. Pour preuve, l'Espagne vient d'annoncer le passage de sa durée maximale de rétention de trente à quarante jours et l'Italie de deux à dix-huit mois !

Si elles étaient adoptées, les dispositions du projet de directive "retour" placeraient les étrangers en situation irrégulière, même mineurs, sous un régime d'exception : internement à la discrétion du pouvoir, faiblesse des droits de la défense, bannissement. Comment concevoir qu'une institution censée incarner la démocratie à l'échelle de l'Union européenne envisage d'infliger un tel traitement à une fraction de sa population ?

Davantage encore que chacun des Parlements nationaux des Etats de l'Union, le Parlement européen a une responsabilité devant l'histoire. Du fait de son existence récente, il n'a pas été mêlé aux déchirements et aux tyrannies du passé européen. Il incarne au contraire un certain idéal, en rupture avec les conflits et les dictatures qui ont trop souvent marqué l'Europe. Sous peine de disqualifier son institution, le Parlement ne doit pas adopter ce projet de directive.

Gérard Aschieri est secrétaire général de la FSU ;

Francine Blanche est secrétaire confédérale de la CGT ;

Laurent Cantet est cinéaste ;

Marc Peschanski est chercheur ;

Aminata Traoré est ancien ministre de culture au Mali.

Une pétition sous forme d'appel aux parlementaires européens circule sur le net. La voici.

Appel aux parlementaires européens

Le 18 juin 2008, un projet de directive sur la rétention et l'expulsion des personnes étrangères sera soumis au Parlement européen.

Depuis 1990, la politique européenne conduite par les gouvernements en matière d'immigration et d'asile s'est traduite par une réduction continue des garanties et des protections fondamentales des personnes. L'Europe se transforme en une forteresse cadenassée et met en oeuvre des moyens démesurés pour empêcher l'accès à son territoire et expulser les sans-papiers.

Le projet de directive, s'il était adopté, constituerait une nouvelle régression.
En prévoyant une rétention pouvant atteindre 18 mois pour des personnes dont le seul délit est de vouloir vivre en Europe, il porte en lui une logique inhumaine : la généralisation d'une politique d'enfermement des personnes étrangères qui pourrait ainsi devenir le mode normal de gestion des populations migrantes.
En instaurant une interdiction pour 5 ans de revenir en Europe pour toutes les personnes renvoyées, ce projet de directive stigmatise les sans-papiers et les transforme en délinquants à exclure.

Le projet de directive qui sera présenté au Parlement est le premier dans ce domaine qui fasse l'objet d'une procédure de co-décision avec le Conseil des ministres. Le Parlement a donc enfin la possibilité de mettre un terme à cette politique régressive qui va à l'encontre des valeurs humanistes qui sont à la base du projet européen et qui lui donnent sens.

Les parlementaires européens ont aujourd'hui une responsabilité historique : réagir pour ne pas laisser retomber l'Europe dans les heures sombres de la ségrégation entre nationaux et indésirables par la systématisation des camps et de l'éloignement forcé.

Nous appelons les parlementaires européens à prendre leurs responsabilités et à rejeter ce projet.


Avant de signer, un peu d'information. Je reproduis un article de Libé qui me semble bien faire le point sur la problématique "Directive", avec modération et mise en perspective du projet de directive dans le contexte d'une union européenne qui reste difficile à imaginer. J'ai supprimé la photo de berlusconi qui illustrait l'article. Pas de ça chez moi.

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Face aux clandestins, une Europe hermétique

QUOTIDIEN : vendredi 6 juin 2008 | JEAN QUATREMER

Les ministres de l’Intérieur des Vingt-Sept ont adopté hier, à Luxembourg, le projet de directive fixant des normes minimales en matière de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière (lire Libération d’hier). Ce texte, qui doit encore être voté par le Parlement européen pour entrer en vigueur, est qualifié de « directive de la honte » par plusieurs associations françaises de défense des droits de l’homme, dont la Cimade (Comité intermouvements auprès des évacués), qui lui reprochent, en autres, de prévoir une durée de rétention administrative pouvant aller jusqu’à dix-huit mois alors que le maximum, en France, est de trente-deux jours. Une nouvelle fois, le spectre d’une « Europe forteresse », hostile aux immigrés, resurgit. Il est vrai que le vote de cette directive intervient dans un contexte marqué par le durcissement de plusieurs législations nationales : ainsi, après le Danemark et le Royaume-Uni, la France vient pour la cinquième fois en six ans de donner un nouveau tour de vis et l’Italie se prépare à faire de même.

Bref, l’Union et ses Etats membres envoient un signal très clair au reste du monde : les immigrés ne sont pas les bienvenus. Le texte voté hier par les ministres de l’Intérieur fixe des normes minimales afin que les étrangers en situation irrégulière soient traités à peu près de la même façon dans les 27 Etats membres. Il faut en effet éviter que dans l’espace sans frontières intérieures qu’est l’Union, ils puissent choisir la loi qui leur sera la plus favorable. Le problème est que les législations nationales sont très éloignées les unes des autres et que les Etats refusent d’abandonner leur système qu’ils jugent évidemment comme le plus performant. D’où l’approche retenue par la Commission européenne : proposer des directives non pas d’harmonisation, mais instaurant des règles minimales qui ne font pas obstacle à des dispositions nationales plus favorables. En même temps, ces directives protègent les étrangers en interdisant aux Etats d’aller en deçà de ces normes minimales. Ainsi, la directive « retour » instaure un droit à l’aide judiciaire et un droit de recours effectif qui n’existent pas partout. De même, en limitant la durée de rétention administrative à dix-huit mois maximum, elle va obliger neuf Etats membres qui ne prévoient aucune limite temporelle à revoir leur législation sans pour autant obliger ceux qui prévoient des durées plus courtes à s’aligner.

Contradictions. Bref, pas de quoi hurler au texte « liberticide », même s’il ne marque pas un réel progrès sur l’état du droit existant dans de nombreux pays. Cela n’est guère étonnant : la politique européenne d’immigration ne peut pas aller à contresens des législations des Etats. Ce n’est pas un hasard si c’est surtout dans le contrôle aux frontières extérieurs, c’est-à-dire dans le répressif, que les progrès ont été importants : harmonisation des visas, création de l’agence Frontex sise à Varsovie, embryon d’un futur corps de gardes-frontières européens, sanctions contre l’aide à l’immigration clandestine, création du fichier Eurodac centralisant les empreintes des demandeurs d’asile et des étrangers reconduits à la frontière, etc. « Les différences sont trop grandes entre les systèmes et les besoins » pour imaginer à terme une véritable politique européenne d’immigration en dehors de quelques domaines, estime Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l’immigration. Notamment, il n’est pas question que Bruxelles décide un jour du nombre d’étrangers qui seront admis au séjour. « Il n’y a pas de partage possible dans la politique d’admission au séjour, souligne Patrick Weil. Entre les pays à forte démographie que sont la France et le Royaume-Uni et les pays à faible démographie que sont l’Allemagne et l’Italie, les besoins ne sont pas les mêmes. »

La France, qui souhaite que ses partenaires adoptent durant sa présidence semestrielle de l’Union, qui débute le 1er juillet, un « pacte européen sur l’immigration et l’asile », risque de se casser les dents sur cette réalité. Car son but principal est, outre un nouveau renforcement des contrôles aux frontières extérieures, d’empêcher des régularisations massives, comme celles qui ont eu lieu en Italie et en Espagne (plus de 2 millions de personnes entre 2003 et 2007)… Ces pays lui ont déjà fait savoir que cela ne regardait pas l’Union et encore moins la France. Ce pacte est d’ailleurs un condensé des contradictions européennes puisqu’il prévoit en même temps une ouverture plus grande de l’Europe, mais à une « immigration choisie et concertée ».

« Non-dit ethnique ». Car, entre fermeture et ouverture, l’Europe n’arrive pas à trancher. Les Etats savent que le déclin démographique fera perdre 20 millions de travailleurs à l’Union entre 2010 et 2030, comme le lui répète la Commission à longueur de rapports. Et les candidats à l’immigration le savent aussi, sinon ils ne viendraient pas. « En fait le non-dit est ethnique : les Européens sont obsédés par les différences culturelles. Ce n’est pas un hasard si le Royaume-Uni a ouvert grand ses frontières aux pays de l’Est, mais se montre particulièrement dur à l’égard des autres immigrés », souligne Patrick Weil. « Il faut sortir de ça : les étrangers non souhaités arrivent quand même et on le paie ensuite. » Etre une forteresse ouverte n’est effectivement pas un exercice simple.

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  • Le cinéma c'est comme la vie, mais c'est la vie 25 fois par seconde. On ne peut pas lutter contre le cinéma. Ça va trop vite, trop loin, même si le film est lent, il court, toi tu ne peux que rester assis et regarder.
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