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Les petits pavés
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5 juin 2008

1000 euros

J'aime bien Le jeu des 1000 euros. Créé en 1958, c'est à la fois la plus ancienne émission de la TSF et aussi, dans sa tranche horaire, la plus populaire. Comme si les gens, vers 12H45, avaient besoin de zapper la France du strass et du mauvais goût arrogant qui règne sur TF2 et France 1 pour se complaire dans une certaine désuétude gentille et provinciale, qui fleure bon le passé, une sorte de retour au sourire de Jean Nohain qui, après avoir fait entrer la chanson dans le siècle avec son altère égo Mireille, accueillait avec bonhomie Edith Piaf ou Yves Montand, ces "grandes gentilles vedettes" chantées par Charles Trenet (l'autre ré-inventeur de la chanson) dans ses "36 chandelles".

Nostalgie ? Oui, un peu. Aujourd'hui, France inter honore le cinquantenaire de l'émission et s'apprête à saluer son animateur, le très charmant Louis Bozon, qui confiait récemment à un journal du matin que son départ de la station n'était pas tout à fait volontaire. Louis Bozon a cette simplicité généreuse des grands. Loin d'étaler sa science, il distille sa grande culture avec modestie, s'excusant presque parfois de donner telle ou telle précision aux candidats et on devine, dans sa bienveillance envers des candidats brillants ou moins, tous plus ou moins instituteurs, chasseurs de papillons ou autodidactes, un sourire non feint. Louis Bozon a été le secrétaire particulier et le compagnon des mauvais jours de Marlene Dietrich, plus si affinités. Il lui en reste une humanité savante que je trouve infiniment sympathique et estimable.

L'enjeu, ici, n'est pas l'argent. Personne n'est reparti avec les 1000 euros, ou les 1000 francs, avant 2001 (ben, non, les candidats vont par deux et se partagent les gains). On n'y recherche pas non plus la célébrité, comme dans ces émissions de télé où il est de bon ton de se faire humilier par des animateurs prédateurs, tout accepter pour avoir son quart d'heure de gloire. On est entre amis, avec les voisins, si on gagne, on est content, si on perd, ce n'est pas grave, on repart avec un dictionnaire Le Robert de la langue française et on sait que l'important était de participer, que ce n'est qu'un jeu.

Après Louis Bozon, l'émission ne pourra rester ce qu'elle est, ce rendez-vous familier où on se rend avec une confiante habitude comme on s'y rendait, enfant, avec ses parents ou ses grands parents. Alors, on passera à autre chose.

Ce qui m'a étonné, depuis des années, c'est le contraste entre un savoir encyclopédique qui permet aux candidats de passer avec succès d'une question d'histoire ou de géographie à une question scientifique et, pour la plupart, une totale inculture cinématographique. Comme s'il était devenu évident, au pays des bronzés et des ch'tis, que le cinéma n'est plus, comme l'aurait dit Malraux, "également une industrie", mais également un art. Comme si la culture cinématographique avait pris la dimension de la culture philatélique.

En début de semaine, ce phénomène d'inculturation cinématographique a connu un sommet.

Les candidats avaient brillament répondu, sauf à une question, ce qui leur valut une "question de repêchage" (généralement une formalité), passe nécessaire pour la question "banco", puis "superbanco".

La question était, en substance la suivante : "Pouvez-vous me donner le nom du cinéaste français de la nouvelle vague, réalisateur de Pierrot le Fou, du Mépris et d'A bout de souffle ?". A priori, avec une question pareille, le droit au banco était acquis. Ben non. Silence, silence pesant. Bozon sort les rames et donne tous les indices pour rapprocher les candidats de la bonne réponse, mais non. Silence. Bozon en rajoute, pour un peu il donnerait le nom, mais s'en tient à préciser que le cinéaste a un prénom composé. La clochette tinte agréablement pour dire qu'il est temps de dire quelque chose. Alors la candidate, soudain inspirée par le prénom composé, lance : "Jean-Claude Lelouch ?"

C'est ça aussi le jeu des mille qui, de fait va disparaître, personne et surtout pas Louis Bozon ne s'est esclaffé avec mépris après cette bourde (pourtant sévère). Une certaine forme de respect, un certain goût de l'autre.

Au fait, juste avant le Jeu des mille, il y a une émission formidable, "Carnets de campagne", qui parle d'une manière extrèmement intéressante de la ruralité. Une sorte d'anti journal de JP Pernot-Ricard. On y reviendra.

A_bout_de_souffle

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Commentaires
D
J'ai beau être adepte de la chasse aux papillons, je crois que j'aurais trouvé au moins cette réponse. <br /> Mais l'important n'est pas là. Cette émission est en effet assez unique en son genre, ne serait-ce que parce que radiophonique (et ça, y en a plus des masses, quand même), et madeleine-de-proustienne, et tellement bon-enfant, comme tu le dis.<br /> j'aime bien ce post, joli par son thème un peu inattendu et son ton, léger et bienveillant, alors qu'il aurait pu être moqueur ou - pire ! - ironique. Mais comment être ironique quand il y a de la tendresse ?<br /> <br /> ps : merci pour la photo.
Les petits pavés
  • Le cinéma c'est comme la vie, mais c'est la vie 25 fois par seconde. On ne peut pas lutter contre le cinéma. Ça va trop vite, trop loin, même si le film est lent, il court, toi tu ne peux que rester assis et regarder.
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