Pornocratie

Carla Bruni-Sakozy a offert aux Restos du coeur les 60 000 euros de dommages et intérêts que lui a versé Ryanair «pour atteinte au droit à l’image».

D'après Libé, Les Restos du coeur annoncent avoir reçu l’intégralité des 60.000 euros de dommages et intérêts versés par la compagnie Ryanair à l’épouse du président de la République, Carla Bruni-Sarkozy. La compagnie aérienne avait publié sans autorisation une photo du couple dans une publicité. Voir la photo. L'affiche est moche, ce qui est déjà une performance avec un couple aussi glamour. L'affiche est vulgaire, ce qui est bluffant, s'agissant d'un couple qui, à la ville comme à l'écran se montre aussi classieux. Mais finalement elle est assez marrante je trouve, avec son côté un peu cheap, un peu fabriqué. C'est plus un gag qu'une pub.

Évidemment, ce n'est pas bien de voler l'image d'un couple si tranquille et discret, qui a fait de "Vivons bien, vivons cachés" sa devise. Un couple dont Madame ne s'est pas pavanée, à l'occasion de la préparation d'une réception à l'élysée, sur 12 pages de Paris-Match, journal objectif dont le patron,  Arnaud Lagardère, marchand d'armes et patron de presse, "frère" autoproclamé de Nicolas Sarkozy selon L'Express, avait viré Alain Genestar, le directeur du journal (Paris Match, pas L'express) qui avait fait la une avec une photo de Cécilia S. (qu'est-ce qu'elle se montrait celle-là !) en compagnie de son amant. Non, non, Madame Carla B. n'est pas femme à se payer (gratuitement d'ailleurs) une pleine page de pub dans Le Monde (en l'occurrence pour sa première déclaration publique sur fond d'inquiétude des français quant au pouvoir d'achat, de répression sauvage au Tibet, de mort annoncée d'une otage lontaine et proche à la fois, d'incertitude quant notre avenir économique dans cette belle civillisation libérale à défaut d'être libérée, de CO2 malveillant pour nos enfants, de jeux olympiques sous miradors, de procès fourniret et d'enfants sacrifiés, d'étrangers expulsés vers des pays crève-misères, attachés, baillonnés, abrutis de calmants, de suicides dans nos belles prisons 3 étoiles comme disent les triple cons, de femme atteinte d'une maladie sans espoir que la société bien pensante abandonne à son insupportable douleur solitaire, de culture sous uniforme, de précarité substituée au chômage, de pauvreté qui s'affiche tous les jours devant les usagers du métro, de la promotion du chacun pour soi et tous contre les autres, mais... comme chantait Yves Montand "Le chat de la voisine...") pour dénoncer le manque de déontologie du Nouvel Observateur, longtemps journal de la Nouvelle Gauche où se sont exprimés, de Foucault à Derrida, de Galbraith à Soljenitsine (pas Benamou, peut-être, qui exista en tant que fondateur de Globe et expira dans le dernier souffle du Promeneur du Champ de Mars pour finir, putride dans la production du compost intellectuel qui entoure Nicolas le petit), ces intellectuels, justement, qui ont fait la France qui pense, même s'ils font bailler d'ennui les modèles de la pensée officielle d'aujourd'hui, de JM Bigard à C Clavier, voire Feu Depardieu, ami du leader maximo cubain et du leader minime franchouille. Oui, l'ex chanteuse molle a fait un procès (d'intention) au Nouvel Obs, édition électronique, à propos d'un sms qui a inspiré à une autre chanteuse, encore vive, une... chanson (Si/ Tu reviens/ J'annule tout... de la délicieuse Jeanne Cherhal).

Parce que Madame Vivons cachés (sous les draps ?) a une haute vision de la déontologie, ce qui est naturel pour une première dame de France.

Ce n'est pas elle qui s'exhiberait comme une gourgandine, le ventre à l'air et le string noir apparent, la main de son vrai mec à rayban et jean sur sa hanche nue, au milieu d'une population musulmane, au Caire, illustrant par son attitude (et celle de son mec), les propos tenus par un confrère chanteur, Renaud, à propos des touristes français à l'étranger ("en Espagne, en Grèce ou en France, /ils vont polluer toutes les plages, /et par leur unique présence, /abîmer tous les paysages", Renaud Séchan, Hexagone).

Donc la nouvelle Tante Yvonne des français (pour les plus jeunes, Tante Yvonne était le surnom supporté par Madame De Gaulle), sur les traces des dames patronesses qui ont accompagné certains présidents a rétrocédé aux Restos du coeur, qui en ont bien besoin, compte-tenu des résultats de la politique menée par son mari et les copains de son mari en matière économique et sociale, les 60.000 € acquis en justice de haute lutte et de haute morale des promoteurs de l'affiche, plutôt moche, ci-dessus, parce que ces promoteurs n'avaient pas été conviés à assurer la promo du couple "Vivons cachés". Au fait, elle avait demandé 500.000 €. Prix de son image ? Vous gagnez combien, vous, pas en vous montrant, en bossant ?

Alors, j'ai scanné la photo qui suit, d'un couple anonyme de bon français chez eux partout (peut-être plus dans les pays arabes  qu'aux Etats-Unis) qui se balladent tranquilles parmi les musulmans qui ont des principes et les femmes voilées, photo publiée par les Inrockuptibles pour illustrer un article titré : "Le roi est vulgaire *". C'est pas moi qui le dit.

A ma connaissance, personne n'a fait de procès aux Inrocks.

* Apropos du livre du philosophe Marc-Vincent Howlett "Triomphe de la vulgarité" (Editions de l'Olivier, 228 pages, 16,50 €.

Je ne sais pourquoi, une chanson par Yves Montand, dont la stature physique et morale nous manque bien en ces temps de petits arrangements besogneux, illustrerait bien ce papier, avec cette chanson, qu'enfant, je pensais fantaisiste et amusante. Qui est en fait une belle prise de distance, une belle utilisation de la dérision.

Tout ce qui précède étant, en effet, tellement dérisoire. "Le chat de la voisine", par Yves Montand. Message personnel : Montand, Ferré, Coluche, Dewaere, Béranger, votre hauteur majuscule nous manque dans ce monde devenu minuscule.

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