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Les petits pavés
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15 juin 2007

En lettres de sang : Laura Kasischke

J'avais consacré à Laura Kasischke et à son Suspicious River un post le 30 mai. Ce premier livre, écrit en 1996, avait été pour moi une découverte bouleversante. Depuis j'ai lu Rêves de garçons (Boy Heaven, 2006) et A moi pour toujours (Be mine, 2007) que vient de publier Christian Bourgois.

J'avais renoncé à évoquer de nouveau cette auteure, dont la fréquentation était devenue pour moi, au fil des pages, extrêmement intime. A tel point que j'ai pu avoir l'impression, parfois, que Laura écrivait pour moi.

Si j'y reviens aujourd'hui, c'est par égard pour les personnes qui, fréquentant ce site, y auraient vu écrit, pour la première fois le nom de Kasischke (avouons, s'il s'agit d'un pseudo, qu'elle a réussi à faire le bonheur des libraires où j'ai cherché ses poèmes. Laura ... vous pouvez épeler, j'ai fait plusieurs bonnes librairies, Laura ne fait pas encore partie du Gotha... D'ailleurs, elle ne hante pas les soirées de NYC, elle reste dans le Nord-Michigan comme, longtemps, Jim Harrisson, également publié en France par Ch. Bourgois et qui traîne désormais sa virile hyper-sensibilité vieillissante en Arizona) et qui auraient eu la folle idée de se lancer dans l'aventure d'une lecture assez déstabilisante. Dix ? trois ? Un(e) ?. Je leur (lui) dédie ce billet.

D'abord une info. Nous avons la chance, nous frenchies de pouvoir lire (dans une magnifique traduction) la fin des deux derniers romans telle qu'imaginée par Laura K. Aux states, son éditeur lui a demandé de réécrire, trouvant le dénouement trop dur. Bourgois, éditeur français intègre, a refusé tout compromis de ce type.

Alors Laura ? Il est vrai que je n'ai jamais (rarement) eu un rapport aussi intime avec un(e) écrivain(e). Mon impression est qu'elle a tellement vécu, en partie, ce qu'elle écrit (Sherry de Be mine, c'est Toi Laura ?) qu'on ressent ça comme autre chose que de la littérature. Quelque chose de plus personnel. En même temps, c'est de la vraie littérature. Par exemple, il y a un sens de la digression étonnant. Étonnamment limpide. C'est Un je dis, Deux ça m'amène à autre chose  Trois, cet autre chose a donné une  acuité  renversante au retour à Un je dis. C'est une figure de style. Evidemment, si l'auteure s'en tenait à une figure de style, ça n'aurait aucun intérêt. Ca ressemblerait à tel roman français contemporain oubliable. Non, ses livres sont composés de chair et d'émotion. A cet égard le rapport au sexe est, chez LK, non seulement complexe (rapport à soi, à ce que le sexe nous révèle de nous qu'il aurait sans doute mieux valu laisser caché ou latent, rapport à une liberté incarnée, mais dangereuse et rapport à l'autre, impossible, destructeur), mais mortifère, au moins morbide. Beaucoup de crudité et bien peu d'érotisme.

Par ailleurs, ses livres sont des thrillers. Ou sont construits comme des thrillers. Et là je pense à James Ellroy. Imaginons le grand (le magnifique, l'immense) Ellroy décrivant une femme américaine moyenne préparant des Nachos pour sa famille... Incredible ? Soit. Mais Ellroy + recette de cuisine + femme qui se (re)découvre femme + pauvre latitude quotidienne + écriture improbable = Laura. Laura K. écrit 350 pages anodines, quoique, il y a des menaces imprécises, des trucs bizarres, des pistes qu'on explore mais qui ne mènent nulle part, de toute façon, le dénouement est bien pire que ce qu'on a pu imaginer (d'où la bigoterie éditoriale américaine mentionnée plus haut : LK fait peur aux neo cons US). Et trois pages qui nous assassinent et enfin, on reconsidère l'ensemble du livre en se disant qu'on s'est fait avoir. Que Laura est la plus balèze.

Une constante, aussi : le livre dans le livre, ce que Les inrockks ont désigné sous le terme pertinent de méta-roman. Rêves de garçons ne serait qu'une bluette de pom pom girls en vacances qui finit mal, A moi pour toujours relèverait sans doute d'un bovarysme US assez ennuyeux et A suspicious river serait resté un livre impossible si, en surimpression du roman raconté, il n'y avait le constant contrepoint du personnage qui dit je (une femme) et qui, en permanent décalage avec ce qu'elle raconte, se plonge dans des introspections passionnantes et, souvent, bouleversantes. C'est une sorte de pourquoi du comment et ça pourrait s'appeler Littérature.

Voilà, j'ai fait ma page d'écriture, mais je ressens une totale impuissance à dire mon rapport à LK et à ses livres. Imaginer au-delà du temps un texte co-écrit par Flaubert et Bataille et traduit en ambiance américaine par Ellroy. Que des mecs, bizarre.

J'ajoute que LK a écrit ses deux derniers romans alors que l'Amérique avait choisi de sacrifier  ses enfants en Irak et découvrait ce que la civilisation la plus sophistiquée du monde pouvait commettre dans la prison d'Abou Graïb. Ce n'est pas forcément le roman qui crée la tragédie, il la concentre en quelques centaines de pages magnifiques mais tellement dérisoires.

Salut aux lecteurs de L. K.

JE REPRECISE QUE LA LITTERATURE DE LAURA KASISCHKE EST ADULTE ET NE S'ADRESSE QU'A DES LECTEURS ADULTES EN CE QU'ELLE REPRESENTE LES RELATIONS HUMAINES SANS FARD, REPRESENTATIONS SEXUELLES OU AUTRES. DE MEME, ELLE NE PEUT EN AUCUN CAS INTERESSER LES AMATEURS DE ROMANS COCHONS, QUE JE SALUE AU PASSAGE.


En complément, à propos de Florent Marchet, qui est à peu près ce qui est arrivé de mieux à la chanson française ces dernières années (avec Camille). C'est à propos de Bourges 2005.

florent_marchet_013

"Des paroles cyniques et une formation efficace pour des titres qui ne peuvent laisser indifférents.             

Florent Marchet fait penser très fort à l'excellent, et trop rare, Erik Arnaud et enchérit même dans les similitudes en reprenant la lecture d'un extrait cru et violent de "Suspicious River" de Laura Kasischke subtilement mis en musique.         

Clou du spectacle, il termine avec une fabuleuse reprise de "Et Quand Bien Même" de Gainsbourg pour clore ce qui restera un des grand moments du festival."


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  • Le cinéma c'est comme la vie, mais c'est la vie 25 fois par seconde. On ne peut pas lutter contre le cinéma. Ça va trop vite, trop loin, même si le film est lent, il court, toi tu ne peux que rester assis et regarder.
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