Quentin Tarantino et le Pelvis Ultime (titre approximatif, si vous en trouvez un meilleur, prévenez-moi, merci).
[Billet modifié et complété le 23/01 en fin de matinée]
Les films de la semaine passée :
Les petits/moyens films latinos tardent à nous arriver depuis quelques mois. Une bonne raison pour ne pas manquer cet El Último Elvis premier long métrage de l'argentin Armando Bo. Donc, il s'agit d'un ouvrier quarantenaire qui, le soir, est Elvis Presley. Il n'est pas Elvis à la manière dont un travelo devient quelqu'un d'autre pour le plaisir ou pour l'argent. Non, Carlos Gutiérrez n'est pas un simple sosie, il est quelqu'un à la frontière, en devenir ou en voie de s'éteindre, quelqu'un à qui Dieu a fait le don de la voix du King, quelqu'un qui est le King. L'acteur non-professionnel John Mac Inerny interprête Carlos Gutiérrez et lui fait don (on donne beaucoup ici) de la grâce de n'être pas une contrefaçon, une imitation ou, pire, une caricature d'Elvis, Carlos EST Elvis, sa femme est Priscilla, sa fille Lisa-Marie.
Il est vrai que John Mac Inerny a une voix étonnante. Aussi belle est modulée que celle du King et ce n'est pas la voix d'un imitateur, écoutez la bande-son.
Au final, ce film enchante (ça a été le premier vrai bonheur ciné de l'année, bien plus sincère que le classieux The Master), mais il surprend aussi, jusqu'à un certain malaise. Car la mise en abyme est totale : un personnage qui n'est pas Elvis, mais qui se veut Elvis, interprété par un acteur qui n'en est pas un mais, lui aussi, fait le métier, en dehors du film, d'être Elvis. Avec un regard, un sourire, tu sais, un oeil triste, l'autre qui s'en moque.
Et un jeune réalisateur qui, dans ce grand puzzle carcéral (un homme prisonnier d'un personnage joué par un acteur prisonnier de son personnage, lui-même prisonnier du mythe) a su percevoir et restituer, au-delà du strass ou dans les reflets scintillants du strass, une sorte de vérité dernière, montrer la profonde mélancolie, la nostalgie dévorante d'Elvis Presley, le king du rock, le prisonnier de sa légende, de ses sandwiches banane-beurre de cacahuète et de son palais/prison de stuc.
Quand on est sorti du MK2 Hautefeuille, la neige tombait lentement du ciel comme une pluie d'anges, le Boulevard Saint-Michel était désert et la nuit silencieuse nous absorbait dans une irréalité cotonneuse. Love me tender, love me sweet...
John Mac Inerny par Renaud Monfourny
Sinon, aucune hésitation, le film de la semaine, à ne surtout pas manquer, c'était Django unchained. Mais tout le monde en a tellement parlé que je ne saurais quoi en dire, sinon une triste prise de conscience : Quentin Tarentino, de film en film et le silence se faisant autour de lui, résume à lui seul le cinéma d'action américain, populaire, démocratique et généreux et c'est un peu triste. Où sont les autres ? Quel autre cinéaste américain a proposé depuis douze mois un film aussi complet, dense, passionnant ? Allez, depuis 24 mois ?
C'est la vie qui va...
Dans la série Les français parlent aux français, Jean-Michel Ribes, directeur du Théâtre du Rond-point, s'adresse à nous :
J'ai invité JMR à s'expliquer ici à propos du mariage pour tous, car je voulais évoquer cette question, sans vraiment (avoir le temps de) trouver les bons mots. Et, opportunément, Le Théâtre du Rond-Point, en partenariat avec Les Inrockuptibles, Témoignage Chrétien, le Bondy Blog, Respect Magazine, Rue 89 et un collectif présidé par Pierre Bergé, organise
le dimanche 27 janvier
une soirée de soutien au mariage pour tous.
La réservation est terminée, mais la soirée sera diffusée en direct en live stream sur Dailymotion. Et dimanche après-midi, c'est manif...
Rien à voir,
mais...
Nouvelles de la civilisation
Le 31 décembre 1993, Twila Busby et ses deux fils ont été assassinés dans leur maison de Pampa, Texas. Le concubin de Twila, Henri Watkins (Hank) Skinner, a été condamné à mort pour ces meurtres en 1995. À quatre reprises, Hank Skinner, a échappé in extremis à la mort. La première fois remonte à février 2010. La justice américaine avait alors suspendu la procédure trente-cinq minutes avant l'heure programmée de son exécution. Le même scénario s'est reproduit en mars 2010, puis en novembre 2011. La semaine dernière, l'ordre de suspension émis par la justice est arrivé juste à temps : il se trouvait à moins de trois mètres de la salle d'exécution. Ailleurs qu'au pays des cow-boys, on parlerait de torture morale répétée.
A partir de là c'est tout simple. Des tests ADN ordonnés par l'État du Texas mettent sérieusement en doute la culpabilité de Skinner, mais des tests complémentaires sont indispensables pour établir l'innocence de Skinner. L'État du Texas n'a aucune envie d'établir cette innocence et les tests attendus coûtent trop cher. Alors, comme tout ceci se passe chez le Roi Dollar, sous la religion unique de la Libre entreprise, il revient à l'initiative individuelle de se substituer aux pouvoirs publics pour établir la vérité.
Les soutiens de Skinner, nombreux et au fort pouvoir médiatiques, notamment sa compagne française Sandrine Ageorges, interrogée ce matin par Pascale Clark sur Inter, ont lancé une souscription pour financer les 17000 $ nécessaires au financement des tests qui pourraient mettre Hank hors de cause. Sinon, c'est clair, très simple, il sera piqué comme un chien malade, probablement en février.
Voir le site monté par ses soutiens, à l'adresse http://www.hankskinner.org/, pour en savoir plus (également sur le site de Ensemble contre la peine de mort) et participer par un don même modeste au financement de la justice pénale de la nation la plus puissante du monde. Et empêcher, cette fois plus efficacement que par des pétitions, l'application de la peine de mort à ce cas précis.
Quant au reste, bonne semaine, amis homos, hétéros et autres, bons films, bonne manif, belles découvertes.