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Les petits pavés
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17 octobre 2012

Edward Hopper a installé son spleen au Grand Palais

J'ai fantasmé, attendu cette exposition Edward Hopper tout en la redoutant, tant le peintre et personnage Hopper me semblait participer de mon intimité, de mon identité, d'une certaine manière.
Les images (les reproductions d'images) de son univers étaient sur mes murs et y suivaient mes mouvements, sur mes livres, livres consacrés au peintre ou romans, nouvelles et poèmes de Richard Brautigan dans l'édition française d'origine (celle de 10/18). Dans le cadre formel de certaines scènes de certains films, comme Psycho d'Alfred Hitchcock ou Paris Texas de Wim Wenders. Et surtout, dans le clair-obscur de ma mémoire "entre chien et loup", entre veille et sommeil, imagination et rêve. Les tableaux s'incarnaient en images mentales, en clichés rétiniens persistants après avoir fermé les yeux au soleil, en pensées dédoublées comme à travers un mécanisme de pensée stéréoscopique. Des épisodes hallucinatoires pouvaient produire de nouvelles toiles, inconnues du peintre lui-même mais à l'évidence issues de sa propre intuition graphique. Et sans que je le sache vraiment.
Car je porte en moi (je n'ose écrire "on porte en soi", ne généralisons pas les fantasmes et les rêveries) toute une poétique venue du pays où poussaient les toiles de Hopper, qui peut se révéler au cinéma, dans une station service ou un bar trop éclairé, la nuit ou sur la plage en plein soleil, ou dans le contre-jour d'une  chambre d'hôtel.
Ce que je voudrais exprimer ici est l'idée d'un rapport d'intimité avec l'oeuvre d'Edward Hopper, quelque chose qui passe par la conscience et parfois se niche dans un repli de l'inconscient, sans rien à gagner  d'un détour par l'intelligence ou, plus simplement, par la réflexion (si ce n'est la réflexion du miroir ou de la tache d'huile, sur la route, après un accident). Quelque chose qui habite, au sens de "hanter", comme une présence. Quelque chose, aussi, qui serait une sorte d'absolue étrangeté aux règles du marché, du marché de l'art, du marché des biens, du bazar aux marchandises.

chop-suey-1929Chop Suey (1929)

Aussi, alors que s'ouvre l'exposition du Grand Palais, simplement titrée Edward Hopper, exposition où je vais, bien entendu, me précipiter dès que la foule des curieux snobinards des premiers jours se sera dissipée (en fait, cette foule branchée, connectée à ses smartphones et laissant tomber sur vos chaussures des jugements de plomb généralement appris par coeur dans des revues ou des blogs, est généralement assez dissipée, bruyante et plutôt agressive quand vous rappelez à certains chieurs qu'un musée ou une salle d'exposition n'est ni une cabine téléphonique, ni un marché aux bestiaux), je conçois une certaine appréhension. Autant la rétrospective m'enchante, je l'ai d'ailleurs longtemps attendue, autant l'exhibition, l'étalage d'une oeuvre que je ne sais vivre que dans l'intime, me trouble, me dérange. L'idée de partager avec un large public m'angoisse et plus encore, la surexposition du personnage et de l'oeuvre m'ennuie.
On le sait, il y a un grand silence dans le monde d'Edward Hopper et une certaine immobilité. Or, la presse, même la presse gratuite, la radio, la télé bruissent déjà de commentaires, d'analyses, de reportages, d'interprétations et de produits dérivés. Parmi ceux-ci et pour rester dans l'ordre du culturel ou de l'artistique, Arte a demandé à huit artistes de livrer leur propre regard sur l'oeuvre du peintre américain en réalisant chacun un film très court (quelques minutes). Pourquoi pas ? Mais qu'y voit-on ? Un tableau célèbre s'anime et illustre un drame ; ou bien le personnage peint interpelle le peintre (vu 100.000 fois !) ; le pire, la scène de genre avec solitude, lumière crue, environnement sombre, tout en "Hopper-like" ; dans cette série, l'imagination n'est pas au pouvoir. En fait, l'expérience trouve ses limites dans l'impossibilité des huit à faire oeuvre de création et non d'imitation : ce qui nous intéresse figurait dans les tableaux, le reste se borne à citer, surligner, sans véritable possibilité d'innover, tant l'univers de Hopper s'impose à la fois comme source (c'était le but), mais aussi comme aboutissement, comme conclusion de la performance. Seul Mathieu Amalric s'en tire à peu près indemne, en montrant modestement (Amalric modeste, on aura tout vu) une oeuvre de Hopper dans tous ses détails, sans retouche, la bande-son, très travaillée, venant contredire la platitude un peu abstraite de l'image.
Les huit films sont visibles ICI

Je pense revenir sur tout ça après avoir visité l'expo, peut-être avec une vision plus positive.

Télérama a proposé en diapo(rama) une (re)présentation de quinze tableaux d'Edward Hopper. C'est ICI. Pas mal pour découvrir la température de l'artiste.


Rien à voir,
mais à voir.

Depuis quelques mois, la revue érotico-littéraire Edwarda a ouvert son blog. C'est beau, consultable tous les jours et c'est ICI. Hopper y est, comme il se doit, évoqué par une reproduction. Sinon,

certains jours, la presse quotidienne est belle (pas à cause de la Corse).

Libé-Une

Certains jours, une page intérieure de Libé est belle.

md0Les mêmes jours, la presse hebdo peut être bien aussi.

Inrocks-Une[Les inrocks, magazine dont la claivoyance nous a surpris pendant vingt ans, mais qui n'a rien gagné à être confié à une star de la télé, a cette semaine Isabelle Hupert pour rédac' cheffe. Et c'est vraiment bien.]
Ce qui nous change des Unes de la presse gratuite, pour qui le cinéma, ce mercredi, c'est à 100 % le retour de la marrade bien gauloise, avec les titres stylés de Direct matin ("Astérix et Obélix filent à l'anglaise dans les salles"), de Métro ("Edouard Baer, fantastix Astérix"), de 20 minutes ("Le duel du mois : Astérix ou Tintin" (ah bon ?)). Quant à la presse qui vaut pas grand chose, elle n'est pas en reste : Le Parisien ("Le dernier Astérix divise") et Le Figaro ("Astérix retrouve la potion du succès", avec une photo du film franchouille aussi grande que la pub pour Éric Bompard...). Pathétix.

Cette semaine, au ciné, l'Huppert classe, ce sera avec Hong Sang-Soo dans In another country, la semaine prochaine avec Michael Haneke dans Amour (en belle compagnie : Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva).  Après le brûlant Captive, il y a moins d'un mois, cette année c'est vraiment une rentrée de grande classe.

Cadeau : normalement réservé aux abonnés de Libé et vous ne l'êtes pas (vous ne l'êtes pas tous), l'entretien accordé par Isabelle Huppert à Libé et publié dans le numéro du 16 octobre 2012. Elle y parle de son métier, de ses rapports aux réalisateurs et à la création. J'ai beaucoup aimé. Pour le lire, Entretien avec Isabelle Huppert.

Bonne semaine, bons films (Damsels in distress, Gébo et l'ombre, Vous n'avez encore rien vu, Like someone in love, Dans la maison, et autres, selon vos goûts et l'offre ciné de l'endroit où vous résidez) et à bientôt.

 

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Commentaires
Y
Ouf ! Je trouve le temps de te laisser un petit mot avant la publication d'un nouveau billet (car nouveau billet il y aura bientôt, n'est-ce pas ?! Je te sens bien reparti depuis la rentrée).<br /> <br /> <br /> <br /> Alors, beaucoup de choses à penser et à dire après cette lecture toujours aussi agréable, à commencer par la présence divine d'Isa' Hup' en couv' des bonnes publications comme sur nos écrans. On ne s'en lasse pas et cette semaine une double dose sera fortement appréciée.<br /> <br /> <br /> <br /> Ensuite, puis-je dire sans avoir l'air d'une groupie que j'apprécie la sincérité et la saine passion qui se dégagent de tes lignes. Je devine à quel point cette exposition au Grand Palais t'excite, intellectuellement et sentimentalement, et je sais que seul le lien authentique qui te guide vers cet artiste depuis longtemps te mènera jusqu'au grand musée parisien, en aucun cas un comportement moutonnier qui semble avoir été adopté par les exaltés d'un jour (souviens-toi de l'expo Diane Arbus et de cet inexplicable engouement constaté).<br /> <br /> Il vaut mieux, en effet, attendre que les premiers curieux aient passé leur chemin car en si mauvaise compagnie, découvrir cette exposition est impensable. Car, non contents de bêler à l'unisson, il n'est pas rare de constater que "ces gens-là" laissent leur savoir-vivre aux vestiaires : téléphones qui sonnent (et le con qui répond), conversations de la plus haute importance ou commentaires dignes des grands herméneutes, rien ne nous est épargné.<br /> <br /> Se pourrait-il que ce comportement condamnable découle, en partie, de cette avalanche de commentaires, analyses, interprétations, dont les média nous abreuvent au moindre événement et que tu sembles regretter ? Sans doute qu'après avoir compulsé blogs et courts dossiers les visiteurs-consommateurs ne sont plus aussi attentifs aux oeuvres qui les entourent puisqu'ils "savent" déjà tout et pourront même réviser un p'tit coup avant leur prochain rendez-vous mondain grâce à leurs précieux magazines (je ne parle pas ici des hors-série qui sont souvent de bien agréables supports-souvenirs que l'on n'acquiert pas sans réfléchir mais par véritable désir d'en savoir plus, de connaître mieux).<br /> <br /> <br /> <br /> Voilà toutes les petites choses auxquelles ton billet m'a fait réfléchir ; au comportement des gens qui nous amène à redouter toute sortie, au trop-plein d'informations pas toujours pertinentes, jamais vraiment nécessaires, de quoi pousser un peu plus chaque fois la culture du côté de la grande consommation.<br /> <br /> <br /> <br /> On a entendu la semaine passée que Claude Régy, dans le cadre de sa dernière mise en scène, brutalise quelque peu les spectateurs bavards. Quant à Claudel, le frère, son "Soulier de Satin" commence par des recommandations jugées nécessaires "Ecoutez-bien, ne toussez pas" (ba oui, parce qu'au théâtre, par je ne sais quel prodige, on se retrouve immanquablement entourés par tous les tuberculeux du globe). A quand "Le savoir-vivre pour les nuls" téléchargeable avec le billet coupe-fil ?<br /> <br /> <br /> <br /> Allez, allez, je retourne à mes passionnantes occupations. Quant à la visite de cette expo, jouons-la moutons noirs et laissons donc les brebis galeuses faire leur tour de piste, en espérant que la magie Hopper opère et que cet univers qui te fascine clouera le bec à ceux dont nous croiserons le chemin. Sinon, on fera bande à part ;) Dans tous les cas, faire cette balade avec toi sera, pour moi, un grand plaisir.<br /> <br /> <br /> <br /> Je te souhaite une excellente fin de journée, et tout et tout.
A
Avant de me mettre à l'apprentissage des caractères devanagari (je me suis offert pour l'occasion un cahier pour petits écoliers, avec des lignes spéciales), je me pause enfin ici pour saluer ce billet, après un très long moment de silence, que tu me pardonneras j'espère.<br /> <br /> Comme toi, j'attends que la foule des débuts s'apaise avant d'aller découvrir Hopper en grand, en très grand, on espère en pas trop grand. Fil conducteur visuel de l'imaginaire pour amateurs (pour ne pas dire amoureux) de littérature, photo, civilisation contemporaine et cinéma américains... le partage d'une chose aussi intime que l'imaginaire personnel est en effet une prise de risque. Pourquoi ne pas visiter cette exposition en écoutant, casque aux oreilles, une musique appropriée ? me dis-je soudain. A chacun sa musique intérieure. Que penses-tu de cette idée ?<br /> <br /> Je n'ai pas vu les courts proposés par Arte, un autre loupé de ces derniers temps. Mais j'avais en effet envie de voir ce qu'Amalric proposait. Ce que tu en dis m'intéresse, j'essaierai de l'enregistrer puisqu'il repasse.<br /> <br /> Crois-tu que j'aie succombé à l'attrait clinquant des produits dérivés en achetant les hors-série de Télérama et des Inrocks ? Je n'en ai pas eu l'impression. Télérama y publie entre autre des textes d'auteurs sur l'artiste, dont une série de poèmes d'auteurs américains, avec, ô bonheur, le texte original en anglais pour certains. Dont ces vers de Geoffrey Young : "En partance pour Edward Hopper - Demandez à ce que votre chemin soit fait - De pompes à essence en bord de route et rase campagne - D'ènièmes cafés tard la nuit au Nighthawk Cafe. [...]" Je ne mets pas la suite sinon tu risquerais d'avoir des problèmes par ma faute ! Mais je me disais que ces vers allaient bien à ton post.<br /> <br /> <br /> <br /> Tu ne devrais plus lire la presse gratuite, même si "on" te la fournit au bureau ! Ça finit par tenir du masochisme, certaines semaines c'est une lecture astérix et périls.<br /> <br /> <br /> <br /> Hong Sang-soo est inscrit sur mes tablettes, de même qu'Amour. Comme il ne faut plus croire ce que disent les médias (non, je ne tomberai pas dans l'absurde "les médias nous mentent", mais quand même ils disent des conneries étonnantes concernant le cinéma en ce moment), fions-nous à notre nez ! Je ne te conseillerai pas "Cesare deve morire", tu me riras au nez. Mais je continue à penser que c'est dommage. Moi j'irai voir "Captive", même si, a priori, ce n'est pas juste mon emploi du temps qui m'a fait louper ses premières semaines ;).<br /> <br /> <br /> <br /> Bonne fin de semaine, bons cinoches, bonnes expos (il y a d'autres petites expos intéressantes en ce moment, hormis Hopper), et bonne photo si le temps le permet.<br /> <br /> Bises et à +, ici ou ailleurs.
Les petits pavés
  • Le cinéma c'est comme la vie, mais c'est la vie 25 fois par seconde. On ne peut pas lutter contre le cinéma. Ça va trop vite, trop loin, même si le film est lent, il court, toi tu ne peux que rester assis et regarder.
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