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Les petits pavés
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13 novembre 2009

La séance du mercredi, du jeudi et du vendredi...

Examinons, chers amis, quelques chiffres concernant les sorties de la semaine.

A une extrémité du système économique présidant à la distribution des films en France, 600 copies environ de 2012 sont distribuées, Trésor sort dans 438 salles, France entière. Il s'agit de films qui relèvent, au mieux, d'une grande banalité. A l'origine, film sans doute plus original, est projeté sur 281 toiles.
A l'autre bout du même système, L'Enfer a droit à 15 écrans, dont 4 à Paris et aucun en banlieue. The red ridind trilogy dispose pour faire carrière de deux salles en France, une à Paris, le Reflet Médicis (150 places) et l'autre à Toulouse. Enfin, Visages, une des productions les plus excitantes de cette rentrée plafonne à 13 salles France entière, dont deux à Paris (Reflet Médicis, notamment).

Cette différence de traitement qui condamne certains films à un score confidentiel (parmi les films que j'avais conseillés les semaines précédentes, La nana et Winnipeg mon amour étaient sortis, chacun, dans deux salles, France entière...) et au statut de films "élitistes" est une machine de guerre contre le cinéma de création. Et ce populisme ne garantit même pas le succès des films crapuleux. Roses et noir (que je m'étais amusé à étriller il y a quelques semaines) a perdu 72 % en termes de fréquentation dès la deuxième semaine. Encore des chiffres ? Parmi les films  "populaires" pour lesquels il avait fallu libérer les écrans, MicMac à tire larigot a perdu 48 % en fréquentation dès le deuxième semaine et This is it 45 %.

Ce système n'est pas raisonnable.

La séance du mercredi ne prétend pas rétablir l'égalité entre films potentiellement intéressants et produits à forte potentialité financière, mais juste, pour mon plaisir et le vôtre, j'espère, promouvoir un cinéma de création qui n'a pas les moyens (ni peut-être l'envie) de vous harceler via journaux gratuits et télés pourries, mais qui présente souvent tous les atouts pour séduire les spectateurs qui auront eu l'audace et la bonne idée de payer leur place pour les voir.

Oui mais : comment voir des films pas ou peu distribués ? 1. venir habiter Paris ou sa région est un atout. 2. pister le programme des petites salles indés : Le Reflet, bien sûr, mais aussi L'entrepôt, certains MK2 (Beaubourg, Hautefeuille), Les 3 Luxembourg etc. En province, des expériences très intéressantes permettent également de visionner des films "rares", mais je connais moins, faisant preuve d'un parisianisme borné.

Bonne chance.
Voici mes choix et contre-choix de la semaine.


COMME UNE GROSSE ENVIE DE CINÉMA

Je ne pensais pas, de mon vivant, pouvoir prendre mon billet pour le nouveau Clouzot. L'enfer était une légende, quelque chose sur lequel on peut lire et se raconter des histoires, mais qui n'existe pas. Comme Le pré de Béjine de Serguei M. Eisenstein, film deux fois détruit, en 1937 par des fonctionnaires soviétiques qui stoppèrent la production après deux ans de tournage, puis, pour les bobines sauvées, en 1943 par un bombardement allemand (un film tué par les staliniens et les nazis réunis, ça donne à réfléchir sur la place de l'art dans le totalitarisme).

EnferL'enfer de Henri-Georges Clouzot
film français de
Serge Bromberg et Ruxandra Medrea (2009, 1h34)
Non, il ne s'agit pas réellement DU film manquant dans la filmographie presque impeccable de HGC (L'assassin habite au 21, Le corbeau, Les diaboliques, Manon, La prisonnière etc.). Pour cause d'infarctus du réalisateur caractériel et colérique, le film n'a jamais été terminé, mais pour leur "recomposition" de l'œuvre disparue, Bromberg et Medrea ont eu accès à 13 heures de rushes. L'enfer de Henri-Georges Clouzot n'est donc pas le film ressuscité des morts, mais un nouveau film qui raconte l'histoire de ce naufrage qu'on imagine magnifique et qui permet au projet d'exister enfin.
J'ai lu les critiques et je constate que le film divise, chacun n'y trouvant pas son comptant. Tous ceux qui en parlent après l'avoir vu s'accordent néanmoins sur la magie des retrouvailles avec Romy Schneider (ici aux côtés de Serge Reggiani) au plus pur de sa beauté et de sa vitalité, déjà loin des Christine et Sissi de sa collante (au sirop) jeunesse autrichienne et encore loin des tragédies qui, les salopes, l'attendaient au tournant. Revoir Romy, une Romy "comme on ne l'a jamais vue", selon Bromberg, n'est-ce pas une raison suffisante pour faire de cet Enfer LE film d'une semaine ?

DES FILMS A VOIR,
MAIS QUE JE NE VERRAI PEUT-ÊTRE PAS

TrilogyThe red riding trilogy
3 films anglais de 3 réalisateurs différents (2009)
1974 de Julian Jarrold (1h41)
1980 de James Marsh (1h40)
1983 d'Anand Tucker (1h33)
avec Andrew Garfield et Peter Mullan (le génial Joe - in My name is Joe - de Ken Loach)
producteur : Revolution film
distributeur : MC4

Cette chose curieuse et triple qu'on a la chance de voir (avec un peu d'opiniâtreté) à Paris dans une seule salle (voir ci-dessus) est le type même de la petite entreprise cinématographique qui m'intrigue et me donne des envies de découverte. Destinés à la télé britannique, ces films sont en fait trois épisodes d'une série courte, puisqu'elle n'en compte que quatre. Tirés de Quatuor du Yorkshire de David Peace (auteur  de romans noirs "à la Ellroy" d'après le patron de la Librairie des Tropiques qui me l'a vivement conseillé en me précisant que Peace n'avait pas la position morale d'Ellroy, mais un sens politique et critique aigu, une vision noire du monde très dur des années Thatcher) ces films, d'après ce que j'ai pu en lire, montrent une Angleterre paranoïaque où une police corrompue affronte des tueurs sadiques sur fond de marasme politique et social paroxystique.

Type même du cinéma fauché tourné en 8 mm (hé oui !) pour le premier et en DV pour le dernier qui mobilise scénario décalé, imagination foutraque et syncope jazzy en lieu et place de frimousses de stars et décors grandioses. Voyage en apnée dans les intestins pourris d'un libéralisme sans complexe, l'aventure sur fond musical northern soul me tente.

Oserez-vous une plongée dans les égouts ? Attention : 1983 et 1974 sont deux volets d'une même enquête, l'un répondant aux questions restées ouvertes dans l'autre film.

Pour info, Les inrocks  aime, ainsi que Télérama, Libé n'aime pas.

ReligieuseLa religieuse portugaise
film français d'Eugène Green (2009, 2h07)
avec Leonor Baldaque, Beatriz Batarda,
scénario : Eugène Green
directeur photo : Raphael O'Byrne
production : MACT
distribution : Océan films

Il faut avouer que ce n'est pas une semaine richissime en nouveautés (L'enfer n'est pas, à proprement parler, une nouveauté), alors pourquoi pas une petite chose ? Il s'agit du périple d'une jeune actrice Leonor Baldaque (découverte par de Oliveira et, paraît-il, phénoménale), dans Lisbonne, ville-cinéma s'il en est.

"Raffiné et beau" d'après Jean-Baptiste Morain des inrocks, qui conclut son article par "Et de nous laisser, au final, dans un état d'émotion incomparable". Libé, malgré un titre qui laisse songeur ("Paix de nonne à Lisbonne") évoque un "film janséniste", voire "hypostatique" et Télérama aime.

Selon le site Evene, Green "inscrit son travail dans la filiation de Bresson, Ozu ou Antonioni", ce qui interpelle le spectateur potentiel. Il est l'auteur d'une Poétique du cinéma (Actes-Sud, 2009), il est aussi romancier.

REPRISÉS, CES FILMS SONT ENCORE MEILLEURS

Un film qu'on pressent tellement considérable qu'on risque, par une appréhension qui touche à la phobie (le grand cinéma, c'est difficile, c'est compliqué, c'est pas drôle...), de passer à côté d'une grande émotion. Ce serait dommage.

Hiroshima_affHiroshima mon amour
film français d'Alain Resnais (1959, 1h31)
N&B (tourné en
français, japonais et allemand)
scénario : Marguerite Duras
distributeur France : Tamasa Distribution
production : Anatole Dauman (producteur de Muriel, Les ailes du désir, L'empire des sens...)
compositeurs : Georges Delerue, Giovanni Fusco
directeurs de la photographie : Michio Takahashi, Sasha Vierny
parmi les monteurs : Anne Sarraute, Henri Colpi (réalisateur de Une aussi longue absence et Heureux qui comme Ulysse...)
Avec : Emanuelle Riva, Aiji Okada, Bernard Fresson

Synopsis : Une actrice française arrive à Hiroshima pour tourner un film sur la paix. Elle s'éprend d'un architecte japonais et à travers cet amour, elle se souvient de son idylle passionnée avec un jeune soldat allemand, qui fut tué pendant l'Occupation en France.

"Tu n'as rien vu à Hiroshima"...

Écriture éclatée, commente le très beau site du Ciné-Club de Caen, dialogues incantatoires : Resnais et Duras ouvraient des voies nouvelles au langage cinématographique. Le texte est resté célèbre pour sa musique, pour le balancement des contraires ("Tu me tues, tu me fais du bien", "Je te mens, je te dis la vérité" et, bien sûr, "Tu n'as rien vu à Hiroshima").

Hiroshima2C'est souvent dans les marges des mouvements culturels que se développe l'essentiel. Ainsi, Bataille ou Artaud, Prévert ou Man Ray, qui ont prospéré dans l'opposition au surréalisme dont le chef charismatique les avait proscrits. Rien de tel dans la Nouvelle vague, mais il est évident que les cinéastes qui n'étaient pas de la bande des Cahiers ont donné au cinéma certains de leurs plus fructueux moments. Comme Demy, Varga et Eustache, Resnais ne faisait "pas partie de la bande". En outre, il était de gauche, détail aggravant. Néanmoins, c'est au cours d'une "table ronde" consacrée à Hiroshima mon amour, en 1959 que Godard inverse génialement la formule de Luc Moullet ("La morale est affaire de travelling") et établit l'antienne la plus célèbre de la critique cinématographique : "Le travelling est affaire de morale". Au cours de la même table ronde, Éric Rohmer, le plus théoricien de la bande, avance : "En somme, Alain Resnais est un cubiste. Je veux dire qu'il est le premier cinéaste moderne du cinéma parlant. (...) Il n'y a pas encore eu de cinéma parlant profondément moderne qui ait essayé de faire ce qu'a généré le cubisme dans la peinture ou le roman américain dans la littérature, c'est-à-dire une sorte de reconstruction de la réalité à partir du morcellement." (Rohmer, les Cahiers, cité par Antoine de Baecque, in La Cinéphilie, Fayard, 2003)

Roger Tailleur voit dans le film "le manifeste du cinéma à venir" (in Positif).  Un film qui, en 1959, réunissait les éloges des Cahiers et de Positif, voici quelque chose de rare.

Attention : je me suis permis ces digressions cinéphiliques peut-être un peu théoriques, mais que cela ne vous décourage pas de découvrir ce pur joyau de sensibilité, malgré son intelligence avancée. Hiroshima mon amour reste un des plus beaux films de l'histoire du cinéma.


AUCUNE RAISON DE SE DÉRANGER POUR

2012
film (?) américain de Roland Emmerich
(2009, 2h40 !!!!!)
avec Special Fx et John Cusack

Jamais une date n'avait été aussi importante pour de nombreuses cultures, religions, scientifiques et gouvernements. "2012" raconte l'héroïque bataille d'un groupe de survivants à la suite d'un cataclysme planétaire... Contre toute attente, Sarkozy a été réélu. Identité nationale et veautitude.

2h40 à se faire chier devant des effets spéciaux qui font pour la énième fois tout péter sur terre. Independance day ne durait que 2h20, The day after tomorrow tout juste 2h00. Comme l'écrit élégamment Télérama, "Roland Emmerich ne déroge pas à sa réputation de gros bourrin".

JE DÉTESTE DÉJÀ

"Trésor". Je sais pas pourquoi...

LES AFFICHES DE LA SEMAINE
(les plus effrayantes, les plus vulgaires, les plus nouveau riche, les plus sarkozistes, celles qui m'ont gâché les couloirs du métro ou, au contraire, celles qui m'ont donné envie de cinéma, de poésie, de beauté, d'acuité, d'intelligence)

Pas d'affiche moche cette semaine sur ce site. Donc, pas de Trésor. Je veux réserver cette rubrique à des œuvres qui m'ont vraiment donné envie, soit d'aller au cinéma, soit de gerber. La tiédeur centriste ne viendra pas mollassonner ici.

Si j'avais eu le temps, j'aurais imaginé un concours d'affiches, du genre : parmi les 10 derniers chef-d'œuvres avec Franck Dubosc, quelle daube présente l'affiche la plus reposante ? Mais j'ai pas le temps.

LES REGRETS DE LA SEMAINE

Je n'ai pas mis les pieds dans une salle depuis... très longtemps. C'est mon regret de la semaine.
J'avais promis de publier ici la liste de mes films préférés, mais je ne sais pas sous quelle forme. J'aurais aimé un machin un minimum interactif mais ça prend du temps... On verra.

FOCUS

Rencontres93


Du 13 au 22 novembre, beaucoup de films, de rencontres et d'événements pour la vingtième édition des Rencontres cinématographiques de la Seine-St-Denis, avec comme invité d'honneur Claude Chabrol. Outre plein de films dudit Claude (dont les 3 meilleurs à mes yeux : La femme adultère, Le boucher et Que la bête meure), certains projetés en présence du Maître néo-hitchcockien, une leçon de cinéma du réalisateur consacré à Fritz Lang.

Pour le programme complet des Rencontres, CLIQUER ICI, SVP.

A la semaine prochaine. Bons films !
 

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  • Le cinéma c'est comme la vie, mais c'est la vie 25 fois par seconde. On ne peut pas lutter contre le cinéma. Ça va trop vite, trop loin, même si le film est lent, il court, toi tu ne peux que rester assis et regarder.
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