Au voleur !
Au voleur
Film français de Sarah Léonor (sortie le 30 septembre 2009)
Scénario Emmanuelle Jocob et Sarah Leonor
Directeur photo : Laurent Desmet
avec Guillaume
Depardieu, Florence Loiret-Caille et Jacques
Nolot
C'est un premier et un presque dernier film, puisque
Guillaume
Depardieu ne viendra plus, désormais, illuminer le cinéma
français qu'une dernière fois, dans L'enfance d'Icare tourné en Roumanie et à venir sur les écrans.
Le début du film est assez conventionnel, nous
sommes dans un naturalisme social et une certaine lenteur, un cadrage
volontiers virtuose font craindre un énième bon devoir de fin d'études d'une
élève moyenne de la Fémis. Et puis, sur un coup de pas de bol, tout bascule.
De quoi s'agit-il ? Comme le dit Les inrocks,
« rien de très aguichant : une histoire d’amour entre une prof et un
voleur, qui s’enfuient quand la police les recherche ». On a vu ça 1000
fois. Justement.
Pendant le film, j'ai cru à l'innocence de la réalisatrice dans l'art, parfois casse-gueule, de la citation (dont elle use, il est vrai, sans retenue) ; mais en la lisant (voir liens ci-dessous), on se rend compte que son film ne relève d’aucune candeur cinéphilique. Au contraire, la préparation du scénario l’a conduite à ancrer son film dans une tradition du cinéma de la fuite, entre, dit-elle, High Sierra et Les amants de la nuit (They live by night), cf. liens ci-dessous. Soit, excusez du peu, quelque chose entre Raoul Walsh et Nicholas Ray, donc entre le couple Humphrey Bogart et Ida Lupino (jeunes) ou encore Farley Granger et Cathy O'Donnel (jeunes aussi).
Cette filiation revendiquée est légèrement écrasante pour une jeune réalisatrice qui, malencontreusement, réalise son premier long métrage dans le système économique et artistique du cinéma français. Plus, en parcourant la presse on voit qu'à propos de Au voleur, la critique invoque Terence Malick (pour La balade sauvage - Badlands), Jean Renoir (sans citer de film en particulier, mais La partie de campagne s'impose immédiatement), voire Arthur Rimbaud… Moi, j'ai pensé aussi à La drôlesse de Jacques Doillon et au premier et, à ma connaissance, le seul film de Michel Mardore (Le sauveur), critique au Nouvel Obs, filmé en toute liberté au début des années 70. Il manque Bonnie and Clyde à cette cérémonie de parrainage, alors stop, revenons un instant au film et cessons de fantasmer.
Guillaume Depardieu, dont la dégaine oscille entre Buster Keaton et le Jean-Louis Barreau dans le Testament du Dr Cordelier (Jean Renoir) est un petit voleur. Quand la prof (Florence Loiret-Caille) se fait renverser par une voiture, il fait mine de la secourir pour mieux lui piquer sa montre. Le couple se formera néanmoins et la violence des étreintes échangées montre le trop plein de ressentiment et de frustration accumulé par ces deux solitaires.
Et puis tout bascule et les amants se jettent dans une course folle contre le destin. Course folle qui s'amortit sur la surface languissante d'un cours d'eau où tout semble s'arrêter. Les amants de la nuit se perdent dans une sorte de paradis perdu où ils pourront retrouver une certaine sérénité passionnée et sensuelle. Avant que la banlieue ne réclame son dû, là, dans cette forêt où les biches picoreraient dans votre main, et dans laquelle un blockhaus inoffensif fait un nid acceptable aux amours débutantes, la jeune réalisatrice semble entrer en enfance. Et nous la suivons dans ses jeux d'eau et d'herbes folles sans se demander pourquoi le scénario sonne un peu le creux. On s’en fout puisque le temps est arrêté.
Sarah Léonor a déclaré quelque part que le couple Guillaume-Florence s'est entendu à merveille pendant le tournage, et ça se voit. Ce film est un bonheur de grâce, de légèreté, d'illusionnisme aussi (on joue à la vie est belle, à vive la liberté, à les méchants c’est pas nous, mais finalement on sait qu'on joue).
Une réalisation épurée, qui ne cherche pas l'effet, qui se contente de restituer le travail de deux magnifiques acteurs dans une nature angélique. Trop angélique ? Quand l'utopie se brise, on est triste pour les personnages, mais aussi pour l'équipe du film, que l'on a senti heureuse de tourner.
Voilà, ça fait longtemps que je n’avais pas parlé de cinéma ici, faute de temps ou d’envie ? Ce film qui ose le déséquilibre m’a redonné envie, parce que c'est à la fois de la belle ouvrage et une approche inaccoutumée en France, du road movie. Très originale, un film qui se préoccupe plus de raconter des choses jolies en filmant le haut des branchages, dans la forêt que de réussir une poursuite en voitures.
Au voleur est aussi l'occasion de
revoir un Guillaume Depardieu déchiré, déchirant, abimé, terriblement séduisant
et qui était à cette époque en train de devenir ce que le cinéma français
portait de meilleur.
Sublime, forcément sublime.
Philippe Azoury a écrit dans Libé un article que j'aime bien : Cliquer ICI.
Une jolie interview de la réalisatrice dans le même journal : Cliquer Là.
Et Linrocks, il en dit quoi ? : Cliquer Ici, là.