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Les petits pavés
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18 septembre 2009

Hortefeux, l'humour anglais.

C'est assez extraordinaire, "ça sent si bon la France", comme on peut l'entendre dans L'armée du crime de Guédiguian. Je reviens sur l'affaire Hortefeux, à moins qu'on ne doive prononcer désormais l'affaire internet... j'y reviens car, tant pis si je me répète, c'est assez extraordinaire cette façon dont le système de pensée dominant, cette tentative permanente de manipulation générale des cerveaux et des consciences est en train de retourner l'affaire Hortefeux en un procès de la pensée critique, d'internet et de la vidéo.

Car les faits, eux, sont plus que clairs.

  1. Un ministre de la république issu de l'UMP fait une plaisanterie à caractère ouvertement raciste devant les caméras d'une chaine de télévision (Public Sénat) dont le président, Gilles Leclerc a été nommé par le bureau du Sénat à dominante UMP, sur proposition de son président UMP, Gérard Larcher.
  2. Le président de la chaine décide de ne pas montrer la vidéo, ce qui constitue un acte de censure (d'auto-censure, admettons, mais ils sont combien dans les medias comme chez Intermarché ou chez Faurecia - où l'on choisirait les salariées devant entourer LE président en visite en fonction de leur taille :).
  3. Le premier quotidien français, Le Monde, se procure la vidéo et en fait la Une de son édition électronique. Malheureusement, le montage et la qualité sonore de l'ensemble laisse à désirer en en visualisant la chose, on peut avoir un sentiment d'incrédulité, tant la chose est, justement, incroyable. Le buzz démarre néanmoins.
  4. Public Sénat, dont l'auto censure pro gouvernementale est désormais sur la place publique décide de ne pas en rajouter dans l'auto-dérision et diffuse les images. La séquence est plus complète et de meilleure qualité technique que celle publiée par Le Monde et à sa vision aucun doute ne subsiste : on a bien affaire à une grosse beaufitude raciste qui implique des militants locaux de l'UMP (pour qui l'intégration, c'est manger du cochon et boire de la bière...) et, plus grave, un ministre parmi les mieux placés dans le protocole gouvernemental, ainsi que le président du groupe UMP de l'Assemblée Nationale, Jean-François Copé qui, loin de son sens politique habituel, rit bêtement, au lieu de prendre ses distances.

Tout ce qui précède n'est qu'un enchainement de faits et non un chapelet d'opinions.
L'histoire s'arrêterait là si... Mais justement, elle ne s'arrête pas.

  1. Le ministre en faute ment effrontément (Public Sénat n'avait pas encore diffusé la séquence complète) en prétendant que ses propos visaient les auvergnats et non les arabes ("Il a confondu les bougnoules et les bougnats" ironisera finement Stéphane Guillon sur Inter) ce qui s'appelle se moquer du monde, voire du foutage de gueule, ça dépend comment on l'exprime.

  2. Ensuite, alors que le ministre menteur crie au scandale, tout ce que le paysage médiatique compte de sympathisants UMP vole à son secours. Lorsqu'il est mis en cause à l'Assemblée, à l'occasion des questions au gouvernement, la mauvaise foi de sa réponse inspire Copé, à l'initiative de qui tous les parlementaires UMP font carrément une standing ovation à Hortefeux, comme s'il s'agissait d'un héros. Le dimanche, lors d'un meeting, quand Xavier Bertrand s'exclame "Nous apportons notre soutien à Brice Hortefeux!", Chantal Jouanno, Valérie Pécresse, Roger Karoutchi et Jean-François Copé applaudissaient ostensiblement. Pas de chance, Rama Yade reste alors immobile à ses côtés. Elle n'a décidément aucun sens de l'humour. En mars dernier, alors qu'elle montait dans l'avion pour participer à la tournée africaine de Sarkozy, Hortefeux lui avait glissé: "Tu pars avec nous et c'est bien, mais tu pourrais aussi ne pas revenir". Rigolo, non?

  3. Mais l'argumentaire est subtilement altéré. On ne va plus commenter les propos manifestement tenus par Hortefeux, mais parler de sa personne. "Brice Hortefeux a de l'humour" ose Fadela Amara. Puis c'est la grande tournée des hypocrites. Jack Lang : « un honnête homme ». Eric Besson : « quelqu'un qui est humaniste, qui est pétri (…) dans son histoire personnelle de catholicisme social, qui n'a rien de raciste ». Valérie Pécresse : « un vrai républicain » Roselyne Bachelot : « un homme de cœur, de dignité » Nora Berra : « quelqu'un d'engagé depuis des années dans un discours et des échanges interculturels » Jean-François Copé : « il n'a jamais été raciste de sa vie » Eric Raoult, qui au jeu du plus crétin veut toujours montrer que c'est lui qui pisse le plus loin : « un mec net avec un humour britannique qui n'a pas été compris »

Rue89 a demandé à la sémiologue Mariette Darrigrand, par ailleurs blogueuse sur le site (Signes et Contre-signes), de décrypter les réactions qui ont suivi le buzz de la vidéo. Son analyse est fort intéressante et j'en reprends de larges extraits, qui permettront de rappeler les propos publiquement tenus par des stars de la droite plus ou moins extrême mais militairement au garde à vous derrière le ministre de l'intérieur menteur.

 

 

 

Couv_Charlie_les_racistes« Tout le monde se met à faire de la fausse sémiologie, en quelque sorte. Parce que commenter le commentaire permet de faire l'impasse sur les mots qui sont prononcés. Seules deux ou trois réactions disent “c'est un contenu raciste, point”. On ne juge plus, on préfère décrypter comme si c'était un discours. En faisant cela, on verrouille et on se prive de regarder la vérité. » La preuve ? Le succès du contre-feu allumé par une partie de la majorité, quant au soit-disant piège d'Internet et des images amateurs (alors qu'elles sont signées d'un journaliste  Mariette Darrigrand confirme : « On se fout des circonstances, mais pourtant on a parlé au moins autant de savoir si c'etait filmé avec un portable que du contenu sorti de la bouche du ministre. »

 

Autre constat : en accompagnement des propos de Brice Hortefeux à Seignosse, on voit revenir au pas de charge le procès des "antiracistes" et des "censeurs bienpensants", termes qu'on a davantage entendu sur les lèvres du "comique" Dieudonné que sur l'échiquier politique récemment.

 

Mariette Darrigrand a aussi décrypté cette tendance :

 

« Tout se passe comme si, en France, on considérait qu'il y a une pulsion naturelle de l'homme. L'éducation consisterait alors à brider cette pulsion. Du coup, l'antiracisme est vu comme une sorte d'éducation à la frustration. » Cette vision castratrice de l'antiracisme, c'est précisément ce qui ressort de la déclaration de Patrick Devedjian (UMP et ministre) : « On peut de moins en moins se permettre de faire des blagues ou des plaisanteries dans la société fournie de commissaires politiques abondants que nous connaissons de plus en plus. » "Commissaires politiques", l'expression est piquante ?  C'était en effet une valeur sure de la rhétorique lepéniste au plus fort de l'essor du Front national. Cette fois-ci, Jean-Marie Le Pen (FN) ne tape d'ailleurs pas bien loin en déclarant ceci : « Ce serait comique si ce n'était pas scandaleux. Non pas la déclaration de monsieur Hortefeux qui n'a aucune importance mais le tollé que cela soulève dans l'opinion . (...) Il y a désormais en France une censure antiraciste qui s'exerce par l'intermédiaire des médias. » Déclinaison assez proche chez Philippe de Villiers (MPF, nouveau converti à la majorité présidentielle) : « Cette manipulation misérable qui vise à salir la réputation de Brice Hortefeux et en même temps à intimider tous les hommes politiques ».

 

"Et on tuera tous les affreux !" était le titre d'un roman noir de Vernon Sullivan (Boris Vian, à la ville). Parfois, à la lecture de l'actualité médiatico-politique, on reprendrait bien ce titre à son compte.

 

En attendant, rien n'interdit de signer la pétition lancée par Charlie Hebdo.

Hortefeux démission !

icon_signer_petition

Cliquer sur l'image pour signer.

 

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  • Le cinéma c'est comme la vie, mais c'est la vie 25 fois par seconde. On ne peut pas lutter contre le cinéma. Ça va trop vite, trop loin, même si le film est lent, il court, toi tu ne peux que rester assis et regarder.
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