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Les petits pavés
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16 janvier 2009

Les trois singes de Ceylan

Non, il ne s'agit pas de géographie, ni de conte animalier.

Aff_3_singesPour me changer les idées j'ai envie de dire, d'écrire du bien de quelque chose, quelqu'un. La sortie des 3 singes de Nuri Bilge Ceylan me semble une occasion rêvée. On a tant aimé ici Les climats, le film précédent de Ceylan, qu'on est prêt à en remettre des couches de bienveillance (voir un des rares "dossiers cinéma" de ce blog, consacré aux Climats,  le 4 mars 2007) :

Ecrire sur ce film avant de l'avoir vu procure une jouissance particulière : une jouissance d'attente. On ne peut être déçu par l'attente.

Serge Kaganski est, cette fois, circonspect : "Outre sa peinture outrageusement noire des relations intimes ou sociales, le problème des Trois Singes est plastique. On a le sentiment que Nuri Bilge Ceylan a trop écouté les éloges de la critique internationale et s’est mis à se regarder un peu filmer ."  Serge Kaganski (Les Inrocks n°685, page 50).
Etant rarement à plus de quelques centimètres de Kagan, en matière de regard, je me tourne vers Ferenczi, de Télérama, un lourdingue de la critique (qui n'aime pas Eastwood... le con)  ; or, il écrit :"Qu'il s'agisse­ d'une voiture qui file dans la nuit (la somptueuse ouverture du récit), du détail d'un visage, d'un paysage lumineux ou mélanco­lique (surtout mélancolique), d'une pièce fixée par une caméra immobile, quelque chose de puissant invite à regarder comme on ne regarde pas les autres films." Là, je suis troublé : The big Kaganski est critique, Little big ferenczi adore. Comment aimer moi-même ? Devrai-je reprendre ma liberté de penser ? Faudra-t-il voir le film ce week-end ? D'autant que Kaganski enfonce le clou et crucifie bien bien le film : " Ceylan est un grand metteur en scène (…) mais, sentiment qu’il se regarde parfois un peu filmer, qu’il abuse des plans longs et silencieux, qu’il manifeste ici une légère tendance à se complaire dans son propre académisme, comme s’il préférait sa mise en scène à ce qu’il filme. " Académisme, le mot qui tue est lancé... Et Métro (vous savez, le journal gratuit, qui ne coûte qu'à ceux qui lisent les vrais journaux) rajoute sa purée mousseline : "L’abus de plans interminables et les dialogues minimalistes plombent ce qui aurait pu être une formidable tragédie." Or, Métro s'y connait en tragédie formidable, sa propre existence de torchon publicitaire, machine à tuer la presse libre en est une.

Et les autres, ils en disent quoi ?
"La recherche de l’intériorité, la tension psychologique constante et la maîtrise de cadre évoquent les grands cinéastes de l’intime, un Bergman, un Antonioni ou un Losey."
Grégory Valens (Positif n°575, page 6). Bergman et Antonioni avaient abondamment été invoqués à propos du film précédent, Les climats. Tout de même, ces références écrasent mais donnent envie. Toi non ? Ah bon, moi si.

" Ce qui fascine dans Les Trois Singes, c’est d’abord comment le sentiment de culpabilité circule d’un personnage à l’autre, et ensuite comment des actions dictées a priori par une envie de générosité aboutissent à des effets inverses, inattendus et incontrôlables. "
M.D. (Positif, à nouveau, n°569-570, page 109). Je positive enfin.

Jean-Luc Douin, critique fin et subtil, échappé de Télérama, titre dans Le Monde "Du grand cinéma !", c'est réconfortant. Et Libé, qui a parfois la dent dure explique : "Les Trois Singes est un film envoûtant sur la jalousie, l’arrogance du pouvoir, la violence et surtout le mensonge, ces accommodements qui permettent d’éviter jusqu’au bout d’avoir à affronter la vérité." , dixit Marc Semo  dans Libération du 15/01/2009. Quant aux plans longs parfois reprochés au réalisateur (certains, dans Les climats étaient, au sens propre, envoutants), l'Huma les estime "justement mesurés" (19/05/08).

Avant de courir voir le film (toutes les stations de métro du coin sont, parait-il bouclées à cause de 5 manifestants qui font peur aux 500 policiers qui les entourent, je pourrai rejoindre St Michel à pied), je me rassure avec le site Evene, et la conclusion de son papier par ailleurs centriste : "Nuri Bilge Ceylan est décidément un artiste singulier et insaisissable."

Singulier et insaisissable. Le contraire de commun et prévisible. Si c'était ça la marque d'un véritable artiste ? Sigulier. Insaisissable.

Et l'auteur-réalisateur (qui est aussi photographe, peintre et acteur), il en dit quoi ?

"Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours été intrigué, fasciné et en même temps effrayé par les manifestations du spectre incroyablement large de la psyche humaine. J’ai toujours été étonné d’observer la coexistence, au sein de l’âme humaine, du goût du pouvoir et de la capacité à pardonner, de l’intérêt pour les choses les plus sacrées comme pour les choses les plus banales, de l’amour comme de la haine. Et ce qui me pousse à faire des films, c’est cette volonté de comprendre notre monde intérieur qui ne peut être formulé rationnellement.

Le film aborde ce type de situation émotionnelle et psychologique, en mettant en scène une intrigue chargée des relations complexes et violentes qui se développent entre les quatre personnages principaux. J’ai tenté de dramatiser les pensées abstraites, les croyances et les conflits conceptuels que nous vivons au plus profond de nous-mêmes, en les personnifiant à travers les protagonistes de ce récit.

Ce qui surprend le plus ici, c’est la déviation qui bouleverse tout l’ensemble, le chemin de traverse qui se sépare de la route principale. Par exemple, ce moment où un être courageux se retrouve soudain à genoux, tremblant de peur. Ou bien, cet instant où un lâche fait soudain preuve de bravoure. Tenter de comprendre la nature humaine et mieux nous comprendre nous-mêmes, la décrire à travers des écarts de ce genre, c’est ce que nous avons voulu mener à bien dans cette histoire."

Nuri Bilge Ceylan

Bon, ça fait peur tous ces mots. Mais, j'avoue que même si un lâche comme moi peut se lancer sans conviction, un jour de perte du sens, dans des actes de bravoure excessifs, je n'ai pas l'impression de courir un grand risque en me précipitant dans une des salles parisiennes projetant Les trois singes. Nuri Bilge Ceylan est un des cinéastes dont j'apporterais les films sans crainte dans une île déserte.

Quelques photos du film (même s'il utilise les services d'un directeur photo -- et quel directeur photo --, Ceylan est aussi photographe professionnel. On le sent en regardant ces images ; une des photos vient des Climats ; qui la reconnaîtra ?).

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Bon film !

Au fait, pour ceux qui aiment les histoires, le résumé du synopsis est le suivant.

Ceylan neuf
(jeu de mot dont je laisse la responsabilité au Nouvel Obs).

Dans cette famille turque où les petits arrangements avec la vérité sont monnaie courante, la vie dérape. Le père accepte la prison à la place d'un autre; la mère se console avec le vrai coupable, un homme politique; le fils, qui cherche sa voie entre désoeuvrement et délinquance, surprend sa mère, et la frappe... Peu à peu, dans «les Trois Singes» (en salles actuellement), le tissu familial se défait. Nuri Bilge Ceylan, réalisateur de «Uzak» (2003) et de «Climats» (2006), dévoile l'existence des flux d'amour et de haine qui traversent la maisonnée. Admirateur inconditionnel de Tchekhov, le cinéaste adopte un style lent, volontiers méditatif, pour raconter le quotidien des petites gens, dans une banlieue d'Istanbul. Tourné en numérique haute définition, le film emprunte au mélo son intrigue et à la réalité sociale son arrière-plan. Résultat : une oeuvre curieuse et lancinante.

Courez. Ce genre de film, même pas onctionné par C. Berri, risque de ne pas tenir l'affiche plus de deux semaines.

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  • Le cinéma c'est comme la vie, mais c'est la vie 25 fois par seconde. On ne peut pas lutter contre le cinéma. Ça va trop vite, trop loin, même si le film est lent, il court, toi tu ne peux que rester assis et regarder.
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