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Les petits pavés
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9 avril 2008

Terrorisme d'état, à propos de la mort de Baba Traoré (suite)

Je reviens sur la mort de Baba Traoré, ce jeune malien sans papiers, mort à 29 ans après avoir sauté dans la Marne, en contrebas du pont de Joinville, pour échapper à un contrôle de police.

D'abord pour répondre à la question : qu'était-il venu faire en France, pourquoi, il y a 4 ans, s'était-il expatrié ? Ensuite pour publier ici ce témoignage lu dans Le Monde qui, sans pathos, raconte une scène de la vie quotidienne en France, aujourd'hui : un homme qui court. Enfin, pour vous proposer le point de vue d'un universitaire, que je ne suis pas loin de partager sur cette sorte de mondialisation du rejet de l'autre comme fondement de l'idée nationale.

Pourquoi sa venue en France il y a 4 ans ? Réponse du réseau "Terra" : pour faire le don d'un de ses reins à sa soeur.

"Baba est arrivé en avril 2004 du Mali. Il a 25 ans, est titulaire d'un BEP électricité.

Par chance, il est compatible avec Maïmouna, aujourd'hui âgée de 40 ans, qui souffre d'une insuffisance rénale. Le jeune homme accepte de donner l'un de ses reins et se fait opérer en juin. « Lorsque je l'ai vu en consultation annuelle, il se portait parfaitement bien, il faisait du sport... » se souvient le professeur Christophe Legendre, chef de service de transplantation rénale à l'hôpital Necker à Paris, qui l'a fait venir d'Afrique pour effectuer cette transplantation.

Célibataire, Baba habite ensuite avec sa soeur dans un deux-pièces humide situé à Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis). Il dort sur le canapé, effectue quelques petits travaux de ménage ou de bâtiment et joue au foot au Stade olympique de Rosny-sous-Bois, un club de 1re division de District de Seine-Saint- Denis. « Il adorait ça, c'était sa passion ! » se souvient Mahamadou, un ami que Baba connaissait déjà au Mali.

Hier, les joueurs du club et leurs adversaires ont observé une minute de silence sur le terrain du stade Armand-Girodit et le numéro 2, porté par Baba, ne sera repris par personne jusqu'à la fin de la saison."


lemondefr_pet

La mort d'un homme,

par Marie Vermillard, cinéaste

LE MONDE, 7 avril 2008

Il y avait du soleil lorsque je suis sortie du RER, j'ai traversé la rue. Le trajet est agréable pour aller au laboratoire de cinéma de GTC : on descend l'avenue, on passe le pont sur la Marne, un peu d'eau, de douceur, tout près de Paris.

J'ai été légèrement bousculée par un jeune homme, une allure d'adolescent, il courait comme un fou ; j'ai entendu une voix hurler : "Arrêtez-le ! Police !!! Arrêtez-le." Le jeune homme était alors au niveau d'un vieil homme qui l'a laissé passer sans pouvoir réagir. Deux policiers en civil m'ont alors dépassée ; eux aussi couraient comme des dératés.

J'ai vu le jeune homme dévaler l'avenue, les deux policiers derrière lui. Je me suis dit que lorsqu'on est poursuivi on trouve dans son corps toute l'énergie pour aller vite, qu'on est irrattrapable, et pourtant les policiers ne ménageaient pas leur peine.

Je me suis demandé ce qu'il avait fait, agression, trafic de drogue ? Le jeune homme a tourné à gauche avant le pont. Les policiers épuisés ont ralenti. Je me suis dit qu'il avait gagné, leur avait échappé.

Le vieux monsieur est arrivé à mon niveau, il m'a dit : "C'est à vous qu'il a volé quelque chose ?" Il se sentait un peu coupable de ne pas avoir intercepté le jeune homme. J'ai dit que non, que je ne savais pas de quoi il s'agissait.

J'ai regardé à nouveau en bas de l'avenue. Un des policiers montait à l'arrière d'un scooter qu'il paraissait avoir intercepté, le scooter est parti et a disparu dans la direction qu'avait prise le jeune homme. L'autre policier est resté au niveau du pont et regardait dans cette direction.

J'ai descendu l'avenue jusqu'au pont. Le policier était sur le pont lui aussi, il avait une oreillette et regardait l'eau au loin. Je voyais à une centaine de mètres le policier du scooter qui scrutait l'eau et les environs. J'ai ralenti, moi aussi j'ai regardé, je n'ai rien vu. Je me disais que si le jeune homme était dans l'eau, je le verrais, qu'il n'avait pas eu le temps de traverser à la nage le bras de la rivière.

J'ai pensé qu'il était peut-être parti de l'autre côté ou bien qu'il se cachait quelque part le long de la rive. Le policier, sur le pont, regardait aussi, puis il regardait son collègue, petit sur la rive. Un autre homme avait rejoint le policier au loin. J'ai attendu une minute ou deux, rien ne se passait. Alors j'ai continué ma route en me disant qu'il avait réussi à s'échapper.

Ce soir, je lis sur le Net : "Mort d'un sans-papiers poursuivi par la police." L'information dit qu'il a 29 ans, est malien, qu'après un contrôle dans le RER il a fui, s'est jeté dans la Marne et a fait un arrêt cardiaque. Il est mort à l'hôpital peu de temps après son admission.

J'ai envie de vomir. La mort d'un homme pour ça ? Cette poursuite démente pour un homme qui court et n'a rien fait ? Pas un criminel, même pas un petit délit de vol à la tire, non, juste un homme qui court parce qu'il n'a pas de papiers et vient mourir dans cette rivière de la banlieue parisienne.

Que se serait-il passé sans cet acharnement, sans ce scooter ? Le policier sur le pont était d'origine étrangère ; qu'est-ce que ça lui fait de vivre avec ce moment-là dans la tête, de savoir que cette course acharnée a tué un homme ?

Ces deux policiers si convaincus sont les artisans zélés d'ordres terrifiants. Quelque part en haut, dans la sphère politique, quelqu'un a déclaré une guerre impitoyable à ces hommes et ces femmes venus de loin pour essayer de vivre ici un peu mieux.

D'autres hommes prennent le relais, décident de stratégies policières, de mesures à prendre pour lancer la chasse à l'homme et l'exclusion du territoire. Au bout de la chaîne, deux policiers courent sans savoir après qui, ni pourquoi, juste parce qu'un jeune homme court et qu'il est présumé sans papiers.

C'est insupportable, et nous le supportons.


Je vous invite à lire un texte dont je ne connais pas l'auteur, texte manifestement pas "finalisé" (c'est d'ailleurs indiqué) mais exposant un point de vue très intéressant (à mon avis) sur un des fondements de l'exclusion des minorités (dont les "sans-papiers" sont un bon exemple) par les majorités, ou les "minorités majoritaires".

Je ne le publie pas in extenso, d'une part pour ne pas surcharger ce post, d'autre part en raison de certains raccourcis excessifs dont la pertinence n'est pas certaine, ce qui n'enlève rien à la réflexion d'ensemble.

Ce texte circule sur le réseau Terra.

Politiques d'immigration

Désigner un bouc-émissaire pour une identification collective

« Mais pourquoi assistons-nous à une pulsion génocidaire virtuellement mondiale vis-à-vis des minorités, qu'elles soient numériques, culturelles ou politiques, et qu'elles soient définies par le défaut des bons papiers, ou par le fait d'être les incarnations visibles d'une quelconque histoire de violence ou d'abus mutuel ? », A.Appadurai, Géographie de la colère, Payot, 2007, page 64

Les frontières passées des Etats-Nations, autrefois bâties par les guerres et la colonisation, sont brouillées dans un monde globalisé, alors le groupe se donne une identité en s'opposant à une minorité bouc-émissaire (l'identité passe toujours par l'identification et l'opposition).

Le « Ministère de l'Immigration et de l'Identité Nationale » est justement la désignation de la minorité-cible contre laquelle voudrait se reconstituer les critères de nationalité, l'esprit et le corps de la Nation unifiée (les immigrés, anciens comme récents). Le peuple, la Nation ou la minorité majoritaire d'un côté, et la minorité de l'autre, n'existent pas en soi, ce sont des constructions sociales (interne ou externe, souvent les deux). Alors on exige que les prétendants à la nationalité française n'aient plus aucun lien avec leur pays d'origine, on définit ce qu'est « bien » vivre en France etc.

Lire la suite (format PDF) : Politique_Immignation

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  • Le cinéma c'est comme la vie, mais c'est la vie 25 fois par seconde. On ne peut pas lutter contre le cinéma. Ça va trop vite, trop loin, même si le film est lent, il court, toi tu ne peux que rester assis et regarder.
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