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Les petits pavés
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17 février 2007

Juliette Gréco au Chatelet : extatique

Juliette Gréco
au Théâtre du Chatelet

SGE

C'était ce soir le troisième rendez-vous avec Juliette Gréco.
Comme on le voit sur les billets, c'est Jo qui a pris les places. c'est elle qui fait toujours tout, dit-elle.

C'est très difficile de parler de Juliette sans tomber dans les poncifs.
En m'adressant à ceux qui l'aiment et qui n'ont pas eu la chance de la voir, cette fois, au Chatelet, j'ai juste envie de dire que c'est toujours la Juliette qu'on a adoré et que l'on continuera à adorer.

Juliette_disque

Quelques détails,tout de même.

D'abord le truc incontournable, genre critique sportive. Oui, elle a eu 80 ans cette semaine (lundi, bon anniversaire ma belle). Quand elle chante La chanson des vieux amants et qu'elle constate, après Jacques Brel, "Il nous fallut bien du talent pour être vieux sans être adulte" je crois que maintenant je comprends mieux. Jacques Brel, lui n'a jamais été vieux et  cette phrase  n'était  que géniale intuition.  Malin et évident plaisir de la dame à chanter à nouveau cette histoire d'amour impossible entre "un petit poisson, un petit oiseau (qui) s'aimaient d'amour tendre" (pas évident) et surtout, à chanter, mimer, théâtraliser "Déshabillez-moi", après avoir prévenu ("Je sais que je ne devrais pas" - ie "à mon âge"), mais  on s'en fout de ton (pardon) Votre âge, Madame Gréco,  il y a des chanteuses minettes qui sont des vieillardes à force d'être conventionnelles (déjà Michelle Torre était vieille à 25 ans).

Je ne voulais pas tomber dans le convenu, et je m'y vautre, lourdement.

Je repense à "il nous fallut bien du talent etc." et je vous revois, Juliette, minaudant, charmant les mecs et les nanas d'un mot, d'un sourire, d'un mouvement de hanche, gamine, mal élevée, morveuse solaire.
Je voulais faire court, en effet, que dire de plus sur la dame en noir ?

Des détails, maintenant.

Pour ceux et celles qui étaient là en 2004, à l'Olympia ou au Casino, le spectacle (on disait le "tour de chant", avant) et qui ont raté le Chatelet, il me semble qu'accompagnée uniquement d'un pianiste (je vous laisse deviner) et un accordéoniste, le concert gagne en intimité, en proximité et, parfois, en intensité. Juliette, qui reste la dernière chanteuse expressionniste, se montre souvent plus sobre. Son interprétation de La folle complainte gagne (encore, si c'est possible) en émotion, un peu comme si c'était ta soeur qui te chantait, dans l'oreille, douce et chatte à la fois, la vie oubliée de la maison d'avant. Je pense que Trenet est content.

Il y a de très grands moments de très grande émotion, Avec le temps, Mathilde (mieux, plus sensible que sur le disque), La javanaise, plusieurs textes de Jean-Claude Carrière mis en musique par Gérard Jouannest (qu'on présente invariablement  comme "le pianiste de Jacques Brel", ce qui est bien, mais qui pourrait mettre sur sa carte de visite "compagnon et musicien-compositeur-arrangeur de Juliette Gréco depuis trente ans", ce qui n'est pas mal non plus.

Un dernier mot, peut-être pour souligner un moment particulièrement fort. Quand Jacques Brel a écrit "J'arrive", il savait qu'il était condamné par une saloperie de cancer au poumon. Quand Juliette donne son interprétation dans une lumière faible qui ne donne à voir que son contour noir, on sait bien qu'elle ne rigole plus et qu'elle fait sienne ce dialogue perdu d'avance avec la mort. Et là, Juliette est la tragédie, elle est le passage, elle est l'envie d'encore un peu, d'un dernier délai, de dernières miettes avant le basculement dernier.

Son interprétation (je devrais dire incarnation) est tellement sublimement puissante, les larmes qui coulent (de mes yeux,mais pas que) expriment une telle empathie, pour l'interprète et pour les gens qui sont là, et pour ceux qui sont dehors et ignorent ce qui se passe au Chatelet, et pour les gens qui sont "nés quelque part", qu'elle devrait être suivie par un silence. "J'arrive" par Gréco, c'est du cinéma, mais plutôt du Visconti, accompagné de Gustav Mahler ou, pourquoi pas Eisenstein/Prokofieff ? Enfin, ce n'est plus le format de la chanson.

Après "J'arrive", la très belle "Chanson de Prévert" tombe presqu'à plat.

Billets_Juliette2


Voilà, j'ai vu Juliette Gréco 3 fois, ce qui est peu.
Je n'a vu ni Édith Piaf, ni Brel, ni les Beatles (mais Paul Mc Cartney oui), ni Miles Davis, ni Coltrane, ni Sinatra, ni Montand.
J'ai vu Reggiani, Léo Ferré, Georges Brassens, Dylan, Springsteen, les Stones les Animals, Pat Metheny et d'autres. Et Cali, Camille, Florent Marchet et un nombre incalculable de fois François Béranger, Bernard Lavilliers et Claude Nougaro.
J'ai vu Juliette Gréco, 3 fois : Olympia 1990, Casino de Paris 2004 et Chatelet 2007.


Merci à tou(te)s pour leur talent.

Dans la presse, j'ai pas trouvé grand chose. Voici un article du Monde :

lemondefr_grd

Juliette Gréco, le triomphe des émotions magnétiques

LE MONDE | 14.02.07 | 18h02  •  Mis à jour le 14.02.07 | 18h02

Chapeau, l'artiste ! Madame Gréco a soulevé le Châtelet le 13 février, dans un récital impeccable, quatre-vingt-dix minutes pour remporter la mise et laminer tous ceux qui penseraient encore que le talent s'improvise. En ouverture, Non Monsieur, je n'ai pas vingt ans - elle vient d'en avoir 80 -, en deuxième position Utile, chanson politique écrite par le rouge Etienne Roda-Gil pour son ami Julien Clerc, puis Jolie Môme, du Ferré grand cru. Ainsi, en neuf minutes et quelques secondes, Gréco se définit-elle.

Elle présente un spectacle déshabillé des vastes orchestrations du Temps d'une chanson, l'album de reprises paru fin 2006. Au piano, Gérard Jouannest, à l'accordéon Jean-Louis Matinier. Et ça suffit. Le rideau s'ouvre, deux mains s'avancent dans le noir, puis un visage pâle, et une robe, longue, noire, aux amples emmanchures, qui lui donne, quand elle lève les bras, des airs de vestale.

L'ovation, salle debout, commence à cet instant. Et puis surgit ce timbre grave, si particulier. Cette sonorité inusitée passe au crible de l'intériorité la Folle Complainte de Charles Trenet, ralentit dans un verbe taciturne Né quelque part de Maxime Le Forestier. L'auteur la regarde de la salle, fasciné, transformer une chanson dansante et rondement politisée en une séquence purement freudienne ("On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille").

SANS AUCUN ARTIFICE NI BÉQUILLE

Elle est une interprète d'exception. A un âge où Charles Trenet faisait des économies d'énergie pour tenir en scène, l'enfant Gréco se bat comme un lion, elle croque la vie à pleines dents, ordonne Déshabillez-moi comme en 1967, quand elle créa cette chanson, avant la vague contestataire de Mai 68. Sans aucun artifice ni béquille, Gréco prend comme une enfant gourmande. Elle pique à Edith Piaf l'une de ses interprétations mythiques, Les Amants d'un jour (musique de Marguerite Monnot, qui sûrement, si Piaf le lui avait autorisé, aurait pu tailler sur mesure des chansons pour Gréco). Elle détourne, carnassière et têtue, Avec le temps, de Ferré, hymne international de la douleur de perdre, qu'elle adoucit, parce que le temps qui passe, elle connaît, elle a déjà donné.

Au rayon des classiques de Gréco, il y a bien sûr Serge Gainsbourg (La Javanaise, La Chanson de Prévert), et puis Le Temps des cerises, que jamais elle ne cessa de chanter en scène, qui clôt son tour de chant. Mais ce récital est aussi un hommage à Gérard Jouannest, son compagnon et mari depuis 1989, qui l'accompagne au piano avec une finesse virtuose. Avec Jacques Brel pour parolier, Jouannest a composé Mathilde, Bruxelles, La Chanson des vieux amants, Ne me quitte pas, des chefs-d'oeuvre que Gréco revisite avec ampleur, et puis J'arrive, extraordinaire dialogue avec la mort, un summum livré à cru par une grande dramaturge aux gestes précis, aux émotions magnétiques : "J'arrive, j'arrive/ Mais qu'est-ce que j'aurais bien aimé/ Encore une fois traîner mes os/ Jusqu'au soleil jusqu'à l'été/ Jusqu'à demain jusqu'au printemps."

Et la salle debout encore, de crier "bravo", et "encore", pour que jamais elle ne parte ni ne s'absente.


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Commentaires
M
La grande Juliette sème amour, révolte et esprit sur son sillage et c'est un bonheur de la savoir aimée loin de Paris. Merci pour ce commentaire.<br /> Michel
A
Hier soir, j ai vu la grande dame.<br /> Tour de chant de Juliette Greco a Tel-Aviv Mann Auditorium 21 Juin 2007<br /> <br /> <br /> Incroyable ce tonus, sense de l'humour, et memoire, presence tres forte sur la scene, pour interpreter ses plus belles chansons et celles des autres.<br /> <br /> Un momement historique que je n oublierai jamais.<br /> <br /> Malheureusement et comprhensiblement Madame Greco ne pouvait pas recevoir le public apres son tour de chant.
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  • Le cinéma c'est comme la vie, mais c'est la vie 25 fois par seconde. On ne peut pas lutter contre le cinéma. Ça va trop vite, trop loin, même si le film est lent, il court, toi tu ne peux que rester assis et regarder.
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