El Perdido
El Perdido (The last sunset)
Film américain de Robert Aldrich. Scénario de Dalton Trumbo. Produit par Kirk Douglas.
Avec Kirk Douglas, Rock Hudson, Joseph Cotten, Dorothy Malone, Carol Linley. (1 h 52.)
Très grand western méconnu (ou sous-estimé) El Perdido (encore une traduction française assez libre pour The Last Sunset, mais j'aime bien quand même, car ça me rappelle quand j'ai vu le film pour la 1ère fois, à une époque où je me moquais de ce genre de détail) est un film d'une grande richesse scénaristique.
Encore une fois la vengeance, encore une fois l'image brouillée du gentil et du méchant : ce dernier a la densité fantasque et dramatique de Kirk Douglas, le gentil a la mollesse pataude de Rock Hudson (plus à l'aise en gosse de riche insupportable chez Douglas Sirk).
Un film noir déguisé en western, en fait, avec au centre les relations compliquées entre deux hommes (le troisième a été éliminé, mais il en reste un de trop), deux femmes, dont l'une n'a pas 16 ans (à voir certaines scènes, on imagine le choeur des vierges effarouchées qu'on entendrait aujourd'hui à la commission de censure), et on se dit que tout ça ne peut pas finir très bien.
Un très grand film, aéré pour le côté western et tragique pour le coté noir.
Comme appareil critique, je n'ai pas trouvé grand chose. Un article du Monde, quand même.
Aricle de lors de la ressortie du film à l'Action Christine
"Réalisé en 1961, El Perdido n'a pas la réputation des autres westerns de Robert Aldrich, celle de Bronco Apache ou de Vera Cruz (tous deux de 1954) qui firent du cinéaste un des noms les plus importants de la génération hollywoodienne d'après-guerre. Ce faux western, qui se moque des enjeux fondamentaux et mythologiques du genre, a la beauté fragile des œuvres mal aimées.
Dans une bourgade mexicaine, O'Malley, (Kirk Douglas), un cavalier solitaire tout de noir vêtu, retrouve une femme (Dorothy Malone) qu'il a aimée quinze ans plus tôt. Celle-ci est mariée à John Breckenridge, un ancien officier sudiste alcoolique devenu éleveur de vaches (Joseph Cotten). Breckenridge convainc O'Malley de conduire son troupeau au Texas et se joint au convoi avec sa femme et leur fille (Carol Linley) ainsi qu'un homme de loi, Dana Stribling (Rock Hudson), bien décidé, une fois la frontière passée, à arrêter O'Malley pour un meurtre que celui-ci aurait commis.
El Perdido semble retrouver un schéma souvent adopté dans d'autres œuvres du genre comme La Rivière rouge de Howard Hawks ou Les Implacables de Raoul Walsh, celui du transport de bétail, du voyage à travers les grands espaces à conquérir tout en venant à bout des embûches naturelles et humaines. Mais l'odyssée vécue par les personnages relève moins d'une conquête de l'espace que d'une manière d'éprouver et de sentir se transformer, dans la durée du trajet, ses propres sentiments.
Un
trio de malandrins, uniquement guidés par l'avidité sexuelle et qui se
font engager dans la troupe afin d'enlever les deux femmes du convoi,
désigne l'enjeu central du film, celui de la possession amoureuse. Dès
lors, Aldrich met en scène une sorte de concerto élégiaque des
sentiments pour quatuor.
Si le récit se passe essentiellement
en plein air, les plans en extérieur alternent avec des plans en
studio, artificiels et clinquants. Cette hétérogénéité confirme ici
l'expressionnisme heurté du style d'Aldrich. Une manière de rappeler
que les enjeux sont intimes, abstraits, cérébraux, et que le récit
épique du western cède la place à la plainte mélancolique d'un beau
mélodrame crépusculaire."
Jean-François Rauger